FORÇATS – Tome 1. Dans l’enfer du bagne
Un bagnard de Cayenne, injustement condamné, sert de guide au grand reporter Albert Londres. Une plongée documentée dans un véritable enfer tropical.
Le bagne de Guyane et ses conditions de vie insupportables ont déjà inspiré nombre d’auteurs de bande dessinée: « Paco les mains rouges » (de Vehlmann et Sagot), « Chéri-Bibi » de Bertho et Boidin (d’après l’oeuvre de Gaston Leroux), « Aux îles, point de salut » de Perrin et Blanco, etc, tous racontent les conditions d’hygiène, la faim, la moiteur, les maladies, le travail harassant, les viols, la nature hostile, le comportement à la limite de la légalité des représentants de l’administration française ou encore le « doublage », cette règle qui voulait qu’une fois purgée leur peine, les bagnards étaient assignés à résidence pour la même durée…
Comme Laurent Maffre avant eux (« L’homme qui s’évada »), Patrice Perna et Fabien Bedouel (les auteurs de « Kersten, médecin d’Himmler ») ont choisi de narrer la rencontre entre le bagnard Eugène Dieudonné, incarcéré depuis dix ans pour un crime qu’il n a pas commis, et Albert Londres venu un jour de 1923 se rendre compte du quotidien de ces hommes et « porter la plume dans la plaie ». Les planches au dessin anguleux à l’ambiance sombre et au ombres marquées plongent rapidement le lecteur au cœur d’un véritable enfer tropical que les citations du célèbre grand reporter viennent étayer. Le récit, entre vie au bagne et enquête policière (les auteurs reviennent sur le procès bâclé de Dieudonné), est en effet très documenté, s’appuyant à la fois sur « Au bagne », le reportage de Londres paru initialement dans Le Petit Parisien (1923) et son autre ouvrage « L’homme qui s’évada » (1928) mais aussi sur la biographie du journaliste par Pierre Assouline (« Albert Londres. Vie et mort d’un grand reporter 1884-1932) et « La vie des forçats » d’Eugène Dieudonné.
« Quelle que soit la nature des crimes qu’ils ont commis, ces hommes ne méritent pas le traitement indigne que la République leur inflige. Rien ne justifie qu’on dépossède à ce point un homme de son humanité », dira entre autres Albert Londres. Difficile, à la lecture de ce premier tome, de ne pas aller dans son sens…
Dessinateur: Fabien Bedouel – Scénariste: Patrice Perna – Éditeur : Les Arènes – Prix: 15 euros.