Pierre Alary : « C’est surtout une histoire humaine »

Adapté du roman de Sorj Chalandon, « Mon traître » raconte une amitié contrariée sur fond de conflit irlandais. Pierre Alary adapte cette histoire vraie avec beaucoup de brio. On y ressent toute la tension de cette incroyable trahison.

arton7432-ae3f9.jpgVous expliquez à la fin de l’album que vous vouliez garder les mots de Sorj Chalandon. Qu’est-ce qui vous plaisait dans ses mots ?
Pierre Alary. Leur beauté, le choix des mots et la façon dont ils font passer l’émotion. C’est tout ça que je voulais garder. Ne pas trahir leur force.

Est-ce que cela a compliqué votre travail d’adaptation ?
P.A. Non, pas vraiment. Par contre, ayant choisi de garder en partie le texte, il fallait assumer et ne rien rajouter. Ainsi, j’ai enlevé, coupé, mais à aucun moment je n’ai ajouté de mots à moi. Mon intervention était donc plus au niveau de la mise en forme et d’un rythme plus adapté au médium bande dessinée. Il fallait juste être prudent sur le choix des séquences à garder et celles à mettre de côté. Je devais garder une cohérence dans ces choix.



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On ressent dans les mots de Sorj Chalandon son amour pour l’Irlande. Aviez-vous besoin de ressentir des émotions similaires pour bien réussir cette adaptation ?
P.A. Je me suis déjà rendu en Irlande, mais c’était il y a longtemps. J’avais adoré ce pays magnifique et ses gens. Mais, dans le roman, avant même le contexte historique, c’est surtout l’histoire humaine qui m’a attiré. Les mots, justement, utilisés pour décrire des émotions à hauteur d’homme : la tristesse, la pudeur, la beauté et avant toute chose l’amitié. Je suis très sensible à l’amitié. Je crois qu’il n’y a rien de plus fort.



Vous avez opté pour beaucoup de longues cases horizontales et de nombreux plans serrés…
P.A. C’est une manière, en tout cas graphiquement, de ralentir le temps. Cela donne l’impression du temps qui passe. Que ce soit entre deux phrases, comme une respiration, ou entre deux moments que l’on prend le temps d’apprécier, de digérer. J’espère que cela donne aussi au lecteur le temps de s’immerger dans le regard, dans la tête d’un protagoniste et peut-être également de prendre parti.



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En intégrant le compte rendu de l’interrogatoire de Tyrone au début de chaque chapitre, vous jouez avec le temps et créez une certaine tension. C’était aussi dans le roman ou est-ce une de vos trouvailles ?
P.A. C’était en partie dans le roman. Mais Sorj Chalandon ne l’a utilisé que sur deux ou trois chapitres proches de la fin. Là encore, pour essayer de donner un rythme plus adapté à la bande dessinée, j’ai pris le parti d’éclater  cette structure et d’étendre cet interrogatoire sur toute la longueur du récit afin de donner en effet une certaine tension. Cela offre aussi un indice supplémentaire au lecteur, qui se retrouve ainsi dans une position privilégiée par rapport au personnage d’Antoine.

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« Mon traître » est avant l’histoire d’une relation d’amitié entre deux hommes et n’exploite pas au maximum l’histoire vraie de ce traître de l’IRA. On a forcément envie d’en savoir encore davantage en refermant le livre…
P.A. C’est le but, d’autant que Sorj Chalandon raconte l’histoire de ce traitre dans un autre roman écrit à la première personne par le traitre : « Retour à Killybegs ». Il nous raconte sa vie, sa mort, ses choix, sa trahison,… Je travaille en ce moment sur son adaptation en bande dessinée pour ainsi fermer la boucle.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Mon traître » de Pierre Alary. Rue de Sèvres. 20 euros.

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