Les couacs de la ministre de la Culture
L’entretien qu’a accordé Aurélie Filippetti au site ActuaBD a fait réagir les auteurs de bande dessinée.
En visite au dernier Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a accordé un entretien à Didier Pasamonik pour le site ActuaBD. Si sa définition de la BD – « un art populaire et une manière de faire lire les enfants » – a provoqué quelques ricanements du côté des auteurs, c’est surtout la réponse de la ministre à propos de « la crise de la BD » qui a a suscité une vague d’indignation dans un secteur affaibli par une surproduction d’albums.
« On ne m’a pas parlé de « crise de la BD » explique en effet Aurélie Filippetti. « Par rapport à l’ensemble de l’industrie du livre, c’est même un secteur qui se porte bien, il y a encore eu une légère progression l’année dernière. C’est vrai qu’il y a beaucoup d’œuvres, près de 5.500 œuvres nouvelles, mais je trouve cela extrêmement positif, moi. L’essentiel est que la diversité du marché éditorial soit conservée, que les jeunes et les nouveaux talents puissent émerger et que chacun y trouve sa place. Apparemment, c’est le cas. »
Des auteurs de BD ont aussitôt rappelé leurs conditions professionnelles précaires. Ainsi sur son blog, Tanxxx affirme-t-elle: « la si merveilleuse diversité de l’édition BD ne tient que parce que beaucoup – pour ne pas dire la majorité – d’éditeurs indépendants et d’auteurs (chez des éditeurs indépendants ou non pour ces derniers) se contentent d’une misère pour vivre, parce qu’ils aiment leur métier, parce qu’ils n’ont pas le choix. Quand je vous dis une misère, il faut comprendre que peu atteignent un SMIC, et que la norme se situe plus du côté du RSA, et les plus chanceux vivent avec un ou une conjoint(e) salarié(e). » Dans une lettre ouverte à la ministre, la scénariste Isabelle Bauthian ne dit pas autre chose: « Je suis scénariste professionnelle depuis 2006. Je travaille à plein temps avec quatre des plus gros éditeurs de bandes dessinées. Malgré ma faible notoriété, mes livres (pas tous pour les enfants, certains littéraires, eh oui !) reçoivent des retours globalement très positifs du public et des médias. Cette année, j’ai gagné en moyenne 750€ par mois. Suite à un incident professionnel vécu par mon conjoint, j’ai failli, enceinte de mon second fils, ne plus pouvoir payer mon logement. Ma situation, madame la Ministre, n’est pas une anecdote isolée et personnelle. Elle est celle de l’écrasante majorité des auteurs de bd. Et je fais partie des chanceux. Ceux qui survivent ».
Rappelons que le documentaire « Sous les Bulles » – actuellement diffusé dans des festivals, et notamment au Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême 2013 – évoque la paupérisation des auteurs. Sa réalisatrice Maiana Bidegain rappelle que « 67% des auteurs, toutes catégorie confondues, essaient de vivre avec moins de 1.250 € bruts mensuels » selon Télérama.