Antoine Ozanam: «Les dépisteurs étaient pour la plupart d’anciens déportés»

Dans les années 50, des hommes partent à la recherche des enfants juifs cachés dans des familles d’accueil pendant la guerre. «Le dépisteur» raconte l’enquête difficile de Samuel mais aussi la France d’après-guerre qui veut oublier les histoires sombres de l’occupation. Un récit intime par Antoine Ozanam et Marco Venanzi.

Comment avez-vous eu connaissance de l’histoire de ces dépisteurs ? Vous avez trouvé beaucoup de documentation sur eux?
Antoine Ozanam.
En 2016, alors que j’étais en promotion pour l’adaptation du « Journal d’Anne Frank », j’ai rencontré Ariane Bois qui venait d’écrire un roman sur ce sujet. J’ai donc commencé à fouiller. Ce n’était pas forcément facile mais il y a pas mal de choses quand on cherche bien.

Est-ce qu’ils ont retrouvé beaucoup d’enfants ? Qu’est-ce qui se passait ensuite quand ils en avaient retrouvé un?
A.O.
Généralement, quand les dépisteurs trouvaient des enfants, ils les ramenaient dans leur famille (famille élargie quand les parents avaient disparu). Mais le taux de réussite n’était pas très grand. Il faut dire que plus le temps passait, plus il était difficile de trouver les enfants.


Ce sujet pouvait être traité comme un polar classique avec une enquête. Votre histoire va au-delà…
A.O.
Quand j’ai commencé à travailler sur le sujet, je pensais aussi à une enquête. Mais il se trouve que j’ai connu il y a très longtemps une femme que l’on appelait dans le village, la tondue. J’ai donc voulu faire quelque chose davantage basé sur les relations entre les humains, de plus intimiste.

Votre dépisteur, Samuel, ne ressemble pas aux héros habituels. C’est quelqu’un de très tourmenté, que l’on découvre avec de nombreux flashbacks. Comment l’avez-vous construit?
A.O.
Les dépisteurs étaient pour la plupart d’anciens déportés. Je ne pouvais pas imaginer Samuel autrement que tourmenté. De plus, il est à la recherche de sa sœur. Il cherche les enfants des autres familles mais pas seulement. Même si cette série est pour moi ce que j’ai fait de plus classique, je voulais creuser le personnage et lui donner une réelle personnalité.


En recherchant les enfants juifs cachés pendant la guerre, les dépisteurs déterrent des histoires qui se sont déroulées durant l’Occupation. C’est un passé que la France voulait oublier? Comme pour Samuel, leur présence était mal vue?
A.O.
Je pense, après avoir pas mal lu sur le sujet, que la France avait besoin de passer à autre chose. L’horreur est encore palpable après l’armistice. Les guerres ne s’arrêtent pas à une date précise. Aussi, voir arriver un étranger pour remuer le passé n’a pas forcément été bien vu. Surtout s’il y a un secret. J’avoue que certaines recherches se faisaient sans trop de soucis, mais cela ne faisait pas forcément un bon récit.


Pour ce type de récit historique, un dessin réaliste est souvent le plus approprié? Celui de Marco Venanzi correspondait à ce que vous imaginiez?
A.O.
À partir de 2016, j’ai commencé à chercher de la documentation. J’ai lu beaucoup mais sans écrire et sans savoir quelle forme allait prendre le récit. Puis, un jour, Marco a pris contact avec moi et m’a proposé une collaboration. Il travaillait sur des séries ultra-classiques et désirait changer de registre. Nous avons beaucoup parlé et on s’est orienté vers des récits comme peuvent le faire Cosey ou Dodier. Avec une véritable ouverture sur l’humain. C’est un peu après que j’ai eu l’idée de lui présenter « Le Dépisteur ». Avec un autre dessinateur, le récit aurait été différent. Il se trouve que c’est avec Marco que j’ai parlé. Et franchement, je ne le regrette pas. Marco a fait un boulot de fou. Il a rendu en image tout l’amour que j’ai pour le Lot. C’est un auteur doué, gentil, travailleur et ponctuel. Ça fait vraiment du bien de travailler avec quelqu’un qui vous simplifie la collaboration autant qu’il enrichit votre histoire.

«Le dépisteur» par Antoine Ozanam et Marco Venanzi. Glénat. 14,95 euros.


Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

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