LES MAUVAISES HERBES

Le témoignage d’une ancienne « femme de réconfort » coréenne, enlevée à 16 ans pour servir d’esclave sexuelle aux soldats japonais. Poignant.

1996, Gwanju en Corée. Oksun n’était pas revenue dans son pays natal depuis 55 ans. Depuis qu’elle a été vendue, à l’âge de 16 ans, par ses parents adoptifs comme esclave sexuelle à l’armée japonaise basée en Chine… La septuagénaire fait partie des 20.000 à 80.000 femmes et enfants violés par l’armée impériale japonaise durant la Seconde Guerre mondiale et des milliers de jeunes Coréennes dites « de réconfort ». Keum Suk Gendry-Kim , auteure du « chant de mon père » aux éditions Sarbacane, l’a rencontrée et a mis son témoignage en images.

Le récit est poignant. En quelque 480 pages, Oksun revient sur une vie de souffrance, passée à endurer la faim, le froid, les humiliations et les viols. L’horreur des agressions est surtout suggérée: des silhouettes imprécises, des visages dépourvus de traits tandis que les paysages chinois aux encrages épais et sombres, mal définis, évoquent un environnement hostile et inconnu expliquant notamment pourquoi la jeune fille, seule et sans argent, n’a pas fui. Dans cette interminable succession de violences et de drames, entrecoupés d’explications historiques, les moments de sérénité sont rares. Certains passages, par exemple ceux sur la mangaka partant à la recherche d’introuvables vestiges des maisons de réconfort, sont un peu longs mais, avec « Les mauvaises herbes », Keum Suk Gendry-Kim a participé de belle manière au devoir de mémoire.
A noter que « Femmes de réconfort » de Jung Kyung-a est paru aux éditions 6 Pieds sous terre en 2007 sur le même sujet. En 2014, le 41e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême 2014 avait également consacré une exposition collective (« Fleurs qui ne se fanent pas ») aux « femmes de réconfort ».

Dessin et scénario: Keum Suk Gendry-Kim – Editeur: Delcourt, collection Encrages – Prix: 29,95 euros.

Share