Tomeus : « Les survivalistes sont des paranoïaques »
Dans « The Bad Seed », l’une des trois histoires de « Beware of rednecks », Tomeus mélange survivalisme et expérimentations radioactives. C’est flippant et sanglant. De l’excellent « DoggyBags »!
Le thème « rednecks » de ce nouveau « DoggyBags » vous a été imposé ou vous aviez déjà votre scénario en tête ?
Tomeus. Quand j’ai découvert que « Doggybags » allait s’arrêter, j’ai écrit à Run, car j’avais déjà commencé à développer ce projet et je souhaitais vraiment aller au bout. C’est là qu’il m’a parlé des « Doggybags présente ». Au début, le thème des Rednecks n’était pas encore défini. C’est par la suite qu’ils ont regroupé plusieurs projets sous cette thématique.
Est-ce difficile de parler d’une population que l’on ne connait forcément pas très bien en France ?
T. Je ne me suis pas tellement penché sur les Rednecks. Les thèmes que je voulais aborder étaient le survivalisme et les expérimentations radioactives.
Qu’est-ce qui vous plaisait dans le survivalisme ?
T. Les survivalistes sont des paranoïaques, pour certains adeptes des théories du complot, qui construisent des bunkers dans leur jardin. Les plus extrêmes ont un AR-15 sous l’oreiller et mettent des poches de leur propre sang au congélateur. Je pense que c’est un terreau idéal pour créer des personnages avec un caractère fort, qui vont au bout de leurs convictions.
Les histoires de « DoggyBags », aussi horribles soient-elles, s’appuient toujours sur des faits bien réels. Est-ce que cela oblige à bien potasser le sujet au préalable ?
T. Les histoires documentées, c’est inhérent à Doggybags, donc j’ai en effet regardé des épisodes de Doomsday Preppers sur National Geographic. J’ai aussi lu pas mal d’articles sur des faits divers liés au sujet et en dérivant un peu je suis tombé sur ces condamnés à mort dont on a exposé les testicules à des radiations plus ou moins fortes en échange de quelques centaines de dollars. J’ai été vérifié l’info et il y a effectivement des traces de ces expériences sur le site du département de l’énergie des États-Unis. Sauf que les mecs sont tous morts donc c’est là que j’ai imaginé quel aurait pu être le destin d’un de ces types s’il avait survécu.
Vous avez été influencé par d’autres œuvres sur ce même thème ?
T. Au départ, sur le thème des expérimentations radioactives, j’ai revu les deux versions de « La colline a des yeux » (Wes Craven et Alexandre Aja) et je voulais partir sur cette ambiance très malsaine avec des personnages difformes. « Délivrance » de John Boorman aussi, avec ce gamin très bizarre qui joue du Banjo, c’est une des références pour le personnage de Jerry. Plus récemment, j’ai vu « 10 Cloverfield Lane » avec John Goodman qui campe un survivaliste bien fêlé.
Est-ce un défi de raconter une histoire sur seulement une trentaine de pages ?
T. Effectivement, avec El Puerto » sur « Doggybags 5 – Trapped », on a dû enlever pas mal de passages, car sinon la BD aurait fait 50 pages. En général, c’est au moment du story-board qu’on fait quelques ajustements. On enlève tout ce qui n’est pas indispensable à la compréhension, tout ce qui est anecdotique. En ce moment, on prépare un nouveau projet « Doggybags » ensemble et on a fait plus attention pour tenir dans le format. Il me semble qu’on n’a quasiment rien enlevé par rapport au script initial.
C’est votre deuxième participation à « DoggyBags », mais la première en tant que scénariste. Vous ne vous sentiez auparavant pas prêt ?
T. C’est en bossant sur Trapped avec El Puerto, que je me suis rendu compte que j’avais vraiment envie de développer des histoires, de mettre en scène des personnages et d’écrire des dialogues. Je manquais probablement de confiance en moi pour me lancer tout seul avant cette première expérience.
Votre collaboration avec El Puerto vous a beaucoup appris ?
T. On échangeait beaucoup sur ce qui fonctionnait ou pas donc c’était enrichissant et rassurant pour avancer. Quand tu te retrouves tout seul, c’est un peu angoissant. Tu n’as pas de recul sur ton histoire donc tu te perds parfois un peu. Heureusement, ma conjointe m’aide en relisant mes premiers jets et en pointant les faiblesses.
Est-ce que « DoggyBags » impose une écriture, un style particulier ?
T. La ligne éditoriale est bien définie : du premier degré, des histoires documentées d’une trentaine de pages et la plupart du temps le protagoniste se fait dézinguer dans les dernières pages. Quelques fois, ça part dans le fantastique, mais c’est souvent ancré dans le réel.
Est-ce que vous vous nourrissez aussi des histoires des autres pour apprendre ?
T. J’ai lu quasiment tous les « Doggybags », mais surtout pour essayer de ne pas faire pareil. On peut tomber rapidement dans des redondances sur les thèmes abordés ou les schémas de scénario liés au format. Je vais plutôt chercher l’inspiration ailleurs.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Beware of rednecks » par Armand Brard, Tomeus, Mud, Prozeet, Toth’s – Ankama, label 619 – 14,90 euros.))