Pascal Bresson: « Seznec est innocent »

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Passionné depuis de nombreuses années par l’affaire Seznec, où un homme est accusé sans preuve d’un crime sans cadavre, Pascal Bresson a quasiment lu tous les livres et articles parus sur cette grande affaire judiciaire. Convaincu de l’innocence de Guillaume Seznec, il a d’abord écrit un livre avant de se lancer dans une remarquable adaptation en BD de cette histoire vraie aux allures de polar machiavélique.

Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à l’affaire Seznec ?
Pascal Bresson. Grâce à ma mère, qui est elle aussi passionnée par deux grandes affaires : Dominici et Seznec. Adolescente, elle était abonnée au journal Détective. L’affaire Seznec, où un homme est accusé sans preuve d’un crime sans cadavre, est la première affaire qui m’a vraiment passionné et elle est devenue mon cheval de bataille. J’ai suivi avec passion le combat du petit-fils Seznec, Denis, et notamment ses conférences et ses apparitions médiatiques. Jusqu’à ma rencontre avec lui pour la réalisation d’un ouvrage, « Guillaume Seznec, une vie retrouvée », réalisé pour les Éditions Ouest France. seznec1.jpg J’ai voulu raconter cette histoire pour les jeunes, une façon de leur demander de ne pas oublier cette injustice. Car le pire, cela serait de l’oublier. Et puis, c’est aussi un peu notre patrimoine.

Sur quels ouvrages ou quels témoignages vous êtes-vous appuyé ?
P.B. J’ai déjà commencé par rencontrer le petit-fils Denis Seznec. J’ai passé du temps avec lui. Je l’ai questionné. Ce dernier connaît l’histoire de son grand-père sur le bout des doigts. Aucun détail ne peut lui échapper. Il m’a transmis sa passion et sa ténacité ! Je reste admiratif devant son combat pour la réhabilitation de son grand-père, et surtout admiratif devant son énergie. Ensuite, j’ai analysé, étudié et recherché toute la documentation au travers de nombreux livres et journaux de l’époque. J’ai pratiquement tout lu sur le sujet. Il faut rester objectif. J’ai beaucoup utilisé les livres de Denis, « Nous les Seznec », puis surtout le livre écrit en 1950 par sa maman Jane Seznec, « Notre Bagne ». Un livre émouvant.

Est-ce que les « spécialistes » de l’Affaire Seznec vont découvrir des éléments nouveaux ?
P.B. Il y a encore de nouveaux éléments. Pour le moment, je ne peux pas trop les divulguer et il faudra attendre 2012 pour découvrir ces nouveaux rebondissements.

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Est-ce compliqué de s’attaquer à une histoire qui a fait couler autant d’encre ?
P.B. Il faut évidemment bien connaître l’histoire, ne pas raconter tout et son contraire. J’ai passé environ quatre années à travailler sur Seznec ! Il faut s’investir, prendre son temps, être organisé, car pour aborder une histoire comme celle-là, il faut vraiment la connaître sur le bout des doigts. Pour la réalisation de cette nouvelle série, je me suis même amusé à reprendre l’itinéraire des deux protagonistes Quémeneur et Seznec. Comme il s’agit d’une BD, j’ai ajouté un peu de fiction pour intégrer davantage d’action, de mystère…

Vous êtes ami avec Denis Seznec. Cela ne pose pas un problème de légitimité pour aborder cette histoire sans parti-pris ?
P.B. Dès le départ, je crois en l’innocence de Guillaume Seznec. C’est évident qu’il y a eu manipulation. Une enquête bâclée par la police et notamment pas l’inspecteur Bonny. En lisant les différents ouvrages, ça crève les yeux. D’ailleurs, même le fils de Bonny, dans son livre, l’écrit ! 



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Est-ce qu’il existe encore aujourd’hui des zones d’ombre ?
P.B. Oui, encore beaucoup…

À la lecture de ce premier tome, on a du mal à croire qu’une machination aussi machiavélique soit bien réelle et qu’un homme puisse être condamné au bagne avec si peu de preuves. Rendre crédible une histoire aussi inimaginable a été compliquée ?
P.B. Dans son livre, Jane Seznec, la maman de Denis, explique merveilleusement bien ces moments difficiles. Certes, Guillaume Seznec n’était pas tout blanc. Il aimait les affaires, trafiquait un peu, mais pas jusqu’à tuer une personne et notamment son ami. Par contre, le disparu, le notable Quémeneur, était connu à l’époque pour être un homme de mauvaise compagnie. Un escroc, avide de pouvoir et d’argent. Il y a vraiment tous les ingrédients pour faire un bon polar.



Au final, ce n’est donc peut-être pas vraiment une erreur judiciaire puisque la justice a été trompée, abusée ?
P.B. Guillaume Seznec a été jalousé. Il faut se remettre dans le contexte de l’époque, et surtout en Bretagne profonde. Un paysan qui réussit, c’était mal vu par les notables du coin. Surtout que la rumeur disait qu’il s’était enrichi sur le dos des soldats partis au front en 1914. Il était soutien de famille et avait ouvert une laverie pour nettoyer les uniformes. Il a donc gagné pas mal d’argent. Au moment, où il fut accusé, chacun a dit des choses mauvaises sur son dos, l’enfonçant toujours un peu plus. Il fallait aussi un coupable. Guillaume Seznec était un rustre, peu social, donc facile à manipuler. Au moment où il s’est rendu au procès, il avait les mains dans ses poches, car à aucun moment, il ne pensait un jour être accusé d’un meurtre (sans cadavre) et surtout partir au bagne. Pour lui, il s’agissait d’une grande mascarade.



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Le deuxième tome sera uniquement consacré au procès ?
P.B. Absolument pas. On démarre par le départ au bagne de Guillaume, avec toute cette violence que l’on connait sur le sujet. On verra quelques flashbacks concernant le procès. Je reviens justement sur des petits détails qui ont une grande importance, prouvant l’innocence de ce pauvre Guillaume. Le lecteur verra combien ce fut réellement une manipulation judiciaire. Ce deuxième tome sera vraiment très important dans cette série prévue en quatre tomes.


Propos recueillis par Emmanuel LAFROGNE

« Seznec » – Tome 1. « Malheur à vous, jurés bretons! » par Éric Le Berre, Pascal Bresson et Guy Michel. Glénat, 9,95 euros.

Photo: Pascal Bresson et Guy Michel

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