Kristøf Mishel : «Un thriller onirique»

Teintée de fantastique, la première bande dessinée du romancier Kristøf Mishel s’articule autour d’un équipage terrorisé par des meurtres inexplicables. Construit avec une astucieuse mise en abyme entre deux époques, «Les Damnés du grand large» séduit grâce à un scénario intriguant et de jolies planches dessinées par Béatrice Penco Sechi.

Les damnés du grand large est construit comme un polar avec l’explication du mystère dans les dernières pages. Ecrire un polar était votre idée de départ?
Kristøf Mishel.
Je pense que l’intrigue, mais aussi la psychologie des personnages, le suspense et le dénouement rapprochent plus Les damnés du grand large d’un thriller que d’un polar. Le thriller peut être psychologique, labyrinthique, fantastique ou dans le cas présent onirique. C’est mon schéma narratif de prédilection.

Aviez-vous des références dans ce domaine?
K.M.
Pour « Les damnés », mes influences sont plus cinématographiques que littéraires. « M le maudit » de Fritz Lang pour la noirceur, « The Wall » d’Alan Parker pour la folie, « Le limier » de Mankiewicz pour l’affrontement spirituel.

Votre histoire aurait probablement pu être transposée dans d’autres univers. Pourquoi avoir choisi ce navire et cette ambiance de piraterie?
K.M.
C’est ainsi que cette histoire est venue à moi. Son traitement nécessitait une atmosphère particulière à laquelle l’équipage d’un navire pris dans la tourmente se prêtait bien. L’époque où le récit se situe est également importante. Il y a deux cents ans, les océans étaient des prairies où l’imaginaire cultivait ses terreurs.

Souvent dans les récits où un narrateur raconte une histoire, cela n’apporte rien de particulier. Ce n’est pas le cas ici puisque cela va permettre de conclure votre histoire. C’était important de vraiment utiliser votre conteur?
K.M.
Oui, puisque l’histoire est une mise en abyme entre deux époques, il faut un intervenant qui puisse faire le va et vient. S’ajoute à ça que le conteur est à la fois une des clefs du récit et le récit lui-même.

Tout au long de l’album, vous insistez sur le fait que la connaissance est le plus grand des trésors…
K.M.
En aucun cas. Dans le livre, le thème de la connaissance n’est qu’un des ingrédients au service de l’intrigue et, dans la mesure où elle devient une arme, ce n’est ni une pensée sage ni une idée moralisatrice. Ce récit n’est pas un principe de conduite pour survie en milieu hostile. C’est l’histoire d’une folie qui va contaminer un enfant et se servir de lui et de sa connaissance pour infuser l’équipage de sa fièvre.

Sur ce bateau, la connaissance et donc le pouvoir sont finalement détenus par un enfant. Est-ce que l’on peut y voir une vision optimiste pour notre avenir avec une jeunesse qui se mobilise notamment davantage pour les questions écologiques?
K.M.
Chacun verra dans « Les damnés du grand large » ce qu’il a envie d’y voir. Il y a plusieurs degrés de lecture. Si dans l’infini des peu probables quelqu’un y voit un message écologique, j’en serai le premier heureux.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

«Les Damnés du grand large» par Kristøf Mishel. Bamboo. 15,90 euros.

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