Gihef: « L’histoire d’un fabuleux loser »


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Sans leur premier manager Allan Williams, les Beatles n’auraient peut-être jamais quitté les caves des clubs de Liverpool. Gihef lui rend hommage au travers d’une passionnante biographie toujours en équilibre entre le mythe et la réalité.

Avant d’écrire les premières lignes de « Liverfool », votre idée était d’abord de parler de ce manager, des Beatles ou du rock ?
Gihef. En fait tout est parti d’une anecdote racontée par Daniel Bultreys, mon ancien éditeur chez Dupuis, ensuite chez Glénat, qui a croisé Allan Williams dans des conditions similaires que celles décrites au début du livre lors d’un trip à Liverpool. Partant de là, je me suis intéressé au personnage d’Allan et me suis demandé comment il avait fait pour rater le coche de si peu. Un gars qui décide de se lancer dans le management musical et qui laisse filer les Beatles, comment il encaisse ça ? C’était donc l’histoire de ce fabuleux loser qui m’intéressait avant tout. Pour être franc, je n’ai même jamais été un vrai fan des Beatles. Bien que depuis cet album, je les écoute beaucoup plus souvent.



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Raconter une histoire vraie qui est probablement un peu fausse, cela vous excitait aussi ?
G. Je n’ai pas immédiatement pensé ce projet comme tel. Au départ, il s’agissait d’un biopic tout ce qu’il y a de plus authentique. C’est au fur et à mesure que j’avançais dans mes recherches que je me suis rendu compte que ce n’était pas vraiment possible sous cet angle. Comme en plus, j’utilise un ton léger et presque humoristique au fil des pages, la forme du récit s’est imposée d’elle-même.

Cette ambigüité entre mythe et réalité est au cœur de presque toutes les biographies. C’est encore plus développé chez Allan Williams ?
G. Pour cette histoire, je me suis énormément documenté : archives vidéos, biographies écrites, articles divers,… Ce qui m’a très rapidement frappé, c’est que selon la période ou son interlocuteur, Allan parvenait à se contredire lui-même sur ses propres anecdotes. C’était à la fois amusant et embêtant, car du coup, quelle était la vérité ? C’est pour cette raison que nous avons opté pour estampiller l’album « fausse biographie ». La plupart des événements clés sont authentiques, bien entendu. Mais il demeure certains points nébuleux pour lesquels j’ai pris plus de liberté. Après tout, il est arrivé à Allan d’en prendre lui-même.

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Il ne décrit pas forcément les Beatles comme la bande de copains que l’on pourrait imaginer et insiste sur le côté solitaire de John Lennon. C’est quelque chose que vous avez ressenti en vous intéressant à ce sujet ?
G. Tout à fait. D’ailleurs, j’ai décrit les Beatles exactement comme il les voyait. Leur caractère s’est forgé dans mon esprit au fur et à mesure des anecdotes et des réflexions d’Allan que j’ai parcourues.

Dans quelle mesure les quelques jours passés à Liverpool et décrits dans le making-of ont imprégné votre travail ?
G. En fait, le scénario était déjà complètement écrit lorsque nous nous y sommes rendus avec Damien. Il s’agissait surtout d’enrichir le récit d’une vraie ambiance et notamment d’étoffer la partie graphique, essentielle dans l’album. Comme la majorité de l’histoire se déroule à Liverpool et que je n’y avais jamais mis les pieds auparavant, il me semblait pertinent de remédier à ce petit souci. Et puis, ça nous faisait une bonne occasion de faire un peu la teuf avec mon ami Damien.


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Vous parlez très peu de musique dans cet album. Je crois qu’aucun titre de chanson n’est cité. Il était important de s’éloigner d’une biographie des Beatles ?
G. Ce n’est pas tout à fait vrai. La dernière page reprend un passage traduit de « In My Life ». Pour le reste, c’est vrai que nous sommes restés plus timorés. C’est surtout qu’un livre ne se prête pas nécessairement à ça. Il n’y a pas de son, donc pas vraiment d’intérêt à décrire des passages musicaux en détail. Et puis nous ne voulions pas faire un bouquin uniquement pour les vrais fans des Beatles, il fallait qu’il soit accessible à tous et donc éliminer les références trop pointues.

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Est-ce que vous avez d’autres projets BD en rapport avec la musique ?
G. À vrai dire, dans la mesure où la musique est ma véritable première passion, j’aimerais dire que oui. Mais il s’agit surtout d’idées en vrac pour le moment, rien de vraiment concret. En outre, je réfléchis à un biopic sur Sinatra qui est une de mes idoles. Il faut juste que je trouve un angle intéressant. Et un éditeur bien entendu.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Liverfool, l’histoire vraie du premier manager des Beatles » par Damien Vanders et Gihef. Emmanuel Proust Editions. 21 euros.

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