Thilde Barboni : « J’adorerais que D.O.W. existe ! »

Pour ce nouveau thriller d’action, Thilde Barboni a développé un univers très vaste autour d’un street artiste qui utilise ses bombes de peinture pour dénoncer des crimes. Efficace comme une bonne série télé !

D.O.W. est un street artiste qui aide la police via ses fresques. Comment vous est venue l’idée de parler du street art ?
Thilde Barboni.
En revenant d’une soirée, une nuit, je regagnais ma voiture et, juste en face, un jeune artiste était occupé à graffer. Il s’est tourné vers moi, m’a fait un signe de connivence et a continué à utiliser ses bombes de peinture. J’ai trouvé cela fascinant et l’idée m’est alors venue d’un street artiste qui utiliserait son art pour dénoncer des crimes. Cela faisait plusieurs années que j’avais envie d’écrire les aventures d’un homme solitaire, se cachant sous une identité lui permettant de fréquenter tous les milieux de la société. Je pensais à un tatoueur, puis en voyant ce jeune homme graffer avec une facilité déconcertante sur un mur de la ville, en pleine nuit, j’ai imaginé que ce tatoueur qui fréquente donc toute une série de personnages, allant des stars, des VIP, jusqu’à la mafia, se déguisait la nuit pour couvrir les murs de fresques dénonçant des méfaits. Une sorte de justicier moderne. Le jour « D.O.W » tatoue les peaux, la nuit, il tatoue les murs !

Par son engagement, D.O.W. est proche de Banksy…
T. B.
Les deux démarches sont intéressantes, mais ce que je trouve génial chez Banksy, c’est son sens de la mise en scène et le fait qu’il reste anonyme malgré les chiffres mirobolants qu’atteignent ses œuvres. J’ai adoré voir la vente aux enchères du tableau de la fille au ballon qui, une fois vendu, est découpé en lamelles devant les acheteurs ahuris. Et le tableau vaut encore plus après cette « performance »! D.O.W. joue avec cela lui aussi. Ses graffs valent des fortunes, mais, pour lui, ce qui compte, c’est sa quête de justice. On ne sait pas qui il est, il agit dans l’ombre et utilise son art et la valeur que l’on donne à ses fresques et tableaux pour défendre des causes qui lui sont chères. La réalité rejoint la fiction dans une certaine mesure puisque Banksy a affrété un bateau en Méditerranée pour sauver des migrants. Lui aussi utilise sa fortune pour des causes humanitaires.

On comprend très vite que le street art n’est pas le sujet principal de cette nouvelle série. C’est plus complexe…
T. B.
J’adore les séries palpitantes, avec des histoires qui nous tiennent en haleine, qui nous emportent loin de la réalité, avec des personnages attachants auxquels on aimerait ressembler ou que l’on aimerait rencontrer. J’adorerais que D.O.W. existe ! J’aimerais tellement le rencontrer !

Comment définiriez-vous cette série ?
T. B.
C’est une série d’aventures, d’action avec de vrais méchants qui font peur. Dans le tome 2, il y aura aussi une méchante absolument terrifiante. Ce qui m’intéresse aussi au-delà de l’aventure et de l’action, c’est d’expliquer pourquoi les personnages agissent comme ils le font. Ils ne sont ni tout à fait bons ni tout à fait méchants. Ils ont tous leurs raisons de souvent plonger dans leur histoire familiale. Et leur force n’est pas surnaturelle, ils se sont faits eux-mêmes, ils se créent tout un univers qui leur est propre.

Qui est D.O.W. ?
T. B.
D.O.W. est un descendant de famille princière, ruinée suite à la Révolution russe de 1917, qui a participé à l’assassinat de Raspoutine. Lui, il est pourtant bien ancré dans le présent, il est une star dans le milieu des tatoueurs, il fréquente des milieux de toutes sortes, très glamour et très glauques aussi. La nuit, il se transforme également en un justicier moderne et en un artiste mystérieux. Il est fasciné par tout ce qui peut l’aider à s’élever dans les airs, à voler. Chaque album explorera une nouvelle manière de voler, d’être libre comme un oiseau. D.O.W. est un personnage complexe qui a une histoire familiale qu’il essaie de comprendre. Chaque album lui permettra de développer ses passions et d’aller plus loin dans sa quête. C’est un album d’aventures, d’action, ancré dans la modernité avec des racines dans l’histoire familiale des personnages et l’Histoire avec un grand H.

Il y est question de la mafia russe sur la Riviera française. Avez-vous cherché à coller un peu avec la réalité ou est-ce une pure fiction ?
T. B.
C’est une pure fiction bien que je suis persuadée que la mafia russe est bien implantée sur la Riviera française. Il y a beaucoup de Russes qui se sont installés sur la Riviera et, là où il y a de l’argent, il y a des mafias ! J’aime beaucoup la Riviera. Cela m’a toujours fascinée : c’est un lieu magique, magnifique sous le soleil, mais qui cache toutes sortes d’activités troubles. La Riviera française est une source d’inspiration inépuisable. Elle a servi de refuge à toutes sortes de gens, à toutes les époques. Elle sert de couverture à d’innombrables trafics. Et puis, il y a Monaco … Une principauté très inspirante elle aussi.

Ce premier tome contient un gros rebondissement, mais pas forcément celui que l’on pourrait attendre sur l’identité du street artiste. Ça ressemble à un film ou à une série américaine. Est-ce des influences pour vous ?
T. B. Bien évidemment. Je suis une dévoreuse de séries ! Les week-ends, s’il fait mauvais dehors, j’adore regarder des séries avec des plateaux-repas sans me soucier des heures qui passent. Parfois je regarde même de mauvaises séries en essayant de détecter tout ce qui ne va pas dans le scénario ! Je suis addict… et j’ai l’excuse d’être scénariste. Je dis toujours que c’est pour mon travail (sourire). Une année, entre Noël et Nouvel An, j’ai regardé toutes les saisons de 24h chrono. C’était, à l’époque, une série très « nouvelle » dans sa conception. Elle a été suivie par d’innombrables séries très bien faites. Je crois que ce qui m’a rendue addict aux séries, c’est le « à suivre » à la fin d’une planche de BD.

Votre intrigue trouve son origine dans le passé. Il est intéressant de raconter une histoire sur plusieurs époques ?
T. B.
Pour qu’un personnage soit consistant, il faut parler de ses racines, de ses motivations, de son aliénation. Pourquoi D.O.W. agit-il ainsi ? Pourquoi est-il lié au passé de sa famille ? Au départ, il croit régler un petit problème, mais ce petit problème devient gigantesque et l’entraine, lui et les personnes qui l’entourent, dans un engrenage infernal. Pour que cela soit crédible, il faut que le passé explique le présent, que le personnage ait une psychologie complexe. J’ai toujours adoré Batman. Tout l’univers Batman est construit autour de son passé. C’est cela qui le rend si attachant. Il souffre, il est humain.

On imagine que cette série pourrait se développer sur de nombreux tomes. Qu’est-ce qui est prévu pour le moment ?
T. B.
Le tome 2 est terminé (il ne manque que la couverture), le scénario du 3 aussi et Gabor est occupé à le dessiner. On a été un tout petit peu retardés dans la parution à cause de la crise sanitaire. En fait le tome 1 devait paraître en mars. Heureusement, il n’a pas été en librairie pendant le confinement et la parution a été reportée en septembre.

Avez-vous d’autres options possibles pour écrire d’autres cycles ?
T. B.
Après les trois premiers volumes, déjà écrits, c’est une série qui peut se développer sur beaucoup de volumes. Des personnages qui peuvent sembler annexes dans le tome 1 vont se révéler très importants par la suite. Sasha, Weber, Tommy Lawson, le pilote de course tatoué par Aliocha, les différents clans qui s’affrontent, tout cela va se développer. L’univers D.O.W. est vraiment un univers très vaste qui s’étend sur plusieurs pays. On ne va pas rester uniquement sur la Riviera. Plusieurs personnages vont devenir de plus en plus importants. Gabor a conçu un arbre généalogique avec les différentes familles en présence. Ce serait intéressant de l’inclure dans le tome 2 pour montrer toutes les pistes à explorer. J’espère que les lecteurs prendront beaucoup de plaisir à découvrir cette nouvelle série et ce personnage si particulier, car j’ai déjà le plan du tome 4 sur papier ! Et je m’amuse vraiment beaucoup en développant cet univers.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« D.O.W., Tome 1 – Les ailes du loups » par Thilde Barboni et Gabor. Dupuis. 16,50 euros.

Share