Frédéric Kinder : « Tout reste mystérieux dans cette affaire »

Tout le monde connaît ou a déjà entendu parler du mythique journaliste Albert Londres. Sa disparition dans le naufrage d’un paquebot de retour de Chine est en revanche beaucoup moins connue. Avec « Albert Londres doit disparaître », Frédéric Kinder revient sur cette affaire non élucidée qui cache peut-être un scandale d’Etat.

Après avoir découvert « Les forçats de la route », vous avez enchaîné avec la lecture des autres carnets d’Albert Londres. Qu’est-ce qui vous a plu dans son écriture ?
Frédéric Kinder.
L’écriture d’Albert Londres est particulière pour un journaliste d’aujourd’hui. Pourtant on le caractérisait déjà de journalisme à la française. Il faisait le choix de ne pas seulement relater les faits, mais de les narrer avec une touche de romantisme, d’ironie mais aussi d’interprétation. Pour cela il était en opposition avec le journalisme anglo-saxon qui lui avait déjà fait le choix du « les faits, rien que les faits ».


Vous avez commencé à réfléchir à cet album il y a quinze ans. Ce projet avait besoin de mûrir ?
F.K.
Ce projet devait effectivement mûrir et je devais aussi le dessiner. Mais mon autre métier de directeur artistique dans l’édition ne m’en laissait pas le temps, avec mon autre passion chronophage pour le cyclisme ! Le choix a donc été de faire appel à Borris et c’était le bon choix !


Sa disparition dans le naufrage d’un paquebot reste mystérieuse. Cela a été un élément déclencheur ?
F.K.
Tout reste mystérieux dans cette affaire ! Rappelons qu’il était le grand reporter « star » de l’époque. On le surnommait le redresseur de torts, ses écrits ont permis de remettre en cause les bagnes de Cayenne, mais aussi l’internement en asile, la traite des blanches ou encore de dénoncer le colonialisme. Il était un modèle pour ses pairs et il s’était fait aussi beaucoup d’ennemis. Lui qui était très disert sur ses voyages ou sur ses articles, il est resté absolument secret sur ce dernier départ. Il n’a donné à personne le pourquoi, alors qu’il avait déjà écrit sur la Chine quelques années auparavant. De plus, il ne voulait pas qu’on puisse lui “voler“ son sujet (ce qui lui était déjà arrivé sur d’autres reportages). Il a seulement évoqué que cela ferait l’effet d’une bombe à son retour.


Vous avez donc dû imaginer ce qui s’est passé. Avez-vous privilégié l’hypothèse la plus romanesque ou la plus probable ?
F.K.
L’écriture de cette histoire est certainement entre les deux. Utiliser le probable pour créer le romanesque, mais aussi le suspens scénaristique. Le mystère de sa disparition reste entier : accident, assassinat… Il y a, en tout cas, beaucoup « d’accidents (sic) » autour de lui qui ont conduit à sa disparition mais aussi à celle de ses écrits !

Plusieurs dessinateurs se sont désistés. Est-ce une coïncidence ou en rapport avec ce projet ?
F.K.
Plutôt les hasards de la production de chacun. Sachant que ce projet reposait aussi sur un gros travail de recherche et d’implication, cela a pu en décourager certains.

Finalement, c’est une chance puisque Borris retranscrit parfaitement l’ambiance de ces années 30…
F.K.
Oui, une vraie chance. L’implication de Borris, voire son jusqu’au-boutisme, donne le ton réaliste de l’album. Ensuite, son trait au crayon, avec cet aspect suranné, rehaussé par les couleurs de Brice, en fait un album qui nous plonge de plain-pied dans cette époque !

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Albert Londres doit disparaître » de Frédéric Kinder et Borris. Glénat.17,50 euros.


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