Fred Simon: «Dessiner une histoire contemporaine ne m’intéresse pas trop»

Sur un scénario et des dialogues percutants de Matz, Fred Simon fait revivre la France des années 60. Inspiré par les romans de Simonin mais aussi par les films dialogués par Audiard, «Le Grizzli» tape fort avec une première histoire rudement bien ficelée et superbement dessinée.

Le Grizzli se déroule dans la France des années 60 et s’inscrit dans la lignée de «Touchez pas au grisbi» ou des «Tontons flingueurs». Ce sont des livres et des films qui comptaient pour vous?
Fred Simon.
C’est Matz qui est à l’origine du «Grizzli». C’est un des projets qu’il a sorti de ses tiroirs quand je l’ai contacté pour lui proposer une collaboration. Je suis amateur de polars, mais pas spécialement de polars français, je lis plutôt des auteurs américains. Des anciens comme Charles Williams, Ed McBain, Jim Thompson ou des plus modernes comme Craig Johnson. J’avais lu peu d’auteurs français à part Léo Malet, sans doute grâce à Tardi. Comme tout le monde, je connaissais «Les tontons flingueurs» et tous ces films que j’aimais bien. J’en ai revu plusieurs avec plaisir. J’ai aussi lu des romans de Simonin à cette occasion, mais c’est vraiment Matz qui est un connaisseur !
Je suis né à la fin des années 60. C’est donc un plaisir de chercher des images de cette époque pour dessiner des voitures, des ambiances,… Dessiner une histoire contemporaine ne m’intéresse à priori pas trop mais on ne sait jamais.

Les acteurs de cette époque comme Lino Ventura ou Bernard Blier avaient de vraies gueules. Cela vous a aidé pour créer vos personnages? Certains vous ont inspiré?
F.S.
Pas directement, mais ça aurait pu, et ça arrivera peut-être. J’ai pas mal cherché pour trouver les personnages, un peu tourné en rond aussi. C’était important qu’ils aient des gueules comme ces acteurs, c’est vrai, mais je ne suis pas fort pour les caricatures et faire un personnage qui ressemble à un acteur, je trouve que ça sort de la lecture. En fait, je dessine des têtes et des têtes et je finis par trouver un personnage. C’est parfois long!

Le Grizzli est responsable d’un garage Citroën. Il y avait donc beaucoup de voitures d’époque à dessiner…
F.S.
J’aime bien dessiner les voitures anciennes. J’ai fait un polar il y a quelques années, « Le poisson clown » avec David Chauvel. J’avais eu beaucoup de voitures américaines des années 50 à dessiner, alors j’étais content de faire la même chose avec nos vieilles bagnoles. Ce n’est pas toujours facile et pas toujours aussi réussi que je voudrais, mais c’est amusant. J’admire la façon dont certains dessinateurs arrivent à rendre les voitures dynamiques. Franquin et Tillieux sont évidemment des maîtres en la matière.


Le Grizzli se démarque d’autres polars grâce à des couleurs très douces…
F.S.
Ce sont des couleurs faites à l’encre, principalement avec un peu de gouache et d’aquarelle, sur une reproduction laser de ma planche noir et blanc ce qui ne me permet pas d’utiliser de drawing gum. C’est un liquide caoutchouteux qu’on met au pinceau pour protéger certaines zones du dessin. C’est très pratique ! Je n’en mets que sur les tours de cases. C’est un travail sans filet. Si je rate, il faut recommencer. Je n’ai pas choisi de faire des couleurs particulièrement douces mais je suppose que c’est le résultat de ma technique. On est habitué aux couleurs informatiques qui sont plus vives.

On devine aussi un gros travail sur l’expression des visages…
F.S.
J’aime bien pousser les expressions dans certaines scènes et le dessin semi-réaliste permet ça. Je l’ai fait un peu plus sur cette série qui est plus humoristique que «Mermaid project». Matz, de son côté, a réussi à bien doser l’argot et ses dialogues apportent aussi beaucoup de vie et d’humour.

On est déjà impatient de découvrir la deuxième histoire du Grizzli. Proposer des histoires qui se bouclent en un tome vous offre une grande liberté pour la suite de cette série?
F.S.
Une grande liberté, je ne suis pas sûr. Il faut trouver une histoire qui tienne debout, qui change de la précédente et qui se boucle comme il faut en 54 pages. Ça me paraît plus difficile que de faire des séries qui n’ont pas vraiment de fin, avec des épisodes où il ne se passe pas grand-chose, comme dans certaines séries télé. Mais, je ne suis pas scénariste (sourire). Matz ne manque pas d’idées et j’espère que nous pourrons continuer cette série tant que nous nous amusons. Pour l’instant, c’est le cas!

Certaines histoires de Matz ont déjà été adaptées sur grand écran. Qui verriez-vous dans le rôle du Grizzli?
F.S.
Je ne sais pas… Qui est grand, costaud et poilu?

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

«Le Grizzli» par Fred Simon et Matz. Dargaud. 16 euros.

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