Éric Borg: « C’est un Koh Lanta qui va jusqu’au bout »

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Contrairement aux candidats de célèbres jeux de téléréalité, les personnages de « Rocher rouge » vont jusqu’au bout de l’horreur et entraînent le lecteur dans un effrayant thriller. Éric Borg a visiblement parfaitement assimilé toutes les recettes qui permettent de faire monter la tension et offre un premier tome très rock’n’roll.

Est-ce la série télé « Lost » qui vous a donné envie d’écrire « Rocher rouge »?
Eric Borg. Je ne connaissais pas du tout cette série télé. J’ai écris le scénario de « Rocher rouge » en mai 2006. C’est quand je l’ai fait lire à Casterman qu’on m’a parlé de « Lost ». J’ai regardé quelques épisodes et en effet découvert quelques ressemblances. 


Comment est alors né ce projet de thriller sur une île déserte?
E.B. Comme je suis aussi scénariste pour le cinéma, j’ai reçu un jour un appel d’offres pour un pitch de film d’horreur. J’ai commencé à travailler sur cette idée, mais je n’ai finalement pas répondu à l’appel d’offre, et je l’ai réorienté vers un projet BD. C’est un genre qui me plaît beaucoup. J’avais aussi envie de ce huis clos sur une île, car cela m’évoque tellement de films par exemple « L’île du docteur Moreau ». J’ai également été influencé par des émissions comme « L’île de la tentation ou Koh-Lanta ». Ce phénomène de la téléréalité m’intéresse et m’inspire. 



Ce sont ces émissions qui ont amené ce petit côté sexy de l’album?
E.B. Le sexe m’intéressait déjà avant (sourire). Disons que j’ai vraiment voulu pousser le genre au maximum. « Rocher rouge », c’est un « Koh Lanta » qui va jusqu’au bout. Dans l’émission, on sait que les candidats ne seront jamais vraiment en danger. C’est un mélange avec « L’île de la tentation », « Massacre à la tronçonneuse » ou « Les idiots » de Lars Von Trier.
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Si les films d’horreur sont nombreux, c’est beaucoup plus rare en bande-dessinée…
E.B. C’est vrai et c’était aussi un pari pour moi. Cela existe peut-être un peu plus dans le manga, mais pas vraiment en franco-belge. Le but était de montrer des scènes d’horreur de manière assez explicite, et de les amener avec surprise. C’est comme dans le film « Aliens », si on voit le monstre tout de suite, ce n’est pas marrant. On se rapproche plus du thriller ici avec une histoire qui s’installe très lentement. Cela créé un rapport intime avec les personnages, car on est très proche d’eux et de leurs préoccupations pendant toute la première moitié de l’album. Cela permet d’en apprécier certains et d’autres moins. Ainsi, quand surgit la violence, on a peur pour eux ou on a au contraire envie qu’ils se fassent tuer. Ce rythme permet aussi de faire oublier au lecteur qu’il lit une BD de genre et de le surprendre un peu plus quand tout se déclenche.

Certaines pages très gores peuvent retourner l’estomac du lecteur…
E.B. Si on veut vraiment être dans le genre horreur, il faut montrer la violence avec parcimonie, mais de manière explicite. C’est comme cela aujourd’hui au cinéma ou dans les séries télé. On s’est donné beaucoup de libertés dans ce domaine. En revanche, on est resté plus soft pour le côté sexe. On s’est un peu calqué sur les codes sociaux où les films violents sont interdits aux moins de 12 ans et les films pornos aux moins de 18 ans. Ce n’était de toute façon pas le but d’aller trop loin. Nous avons tout de même gardé quelques libertés dans une scène assez explicite.
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Qu’est-ce qui vous a séduit dans le dessin de Michaël Sanlaville?
E.B. J’ai mis deux ans à trouver un dessinateur pour cet album. J’ai fait quelques essais avec d’autres, mais cela ne collait pas. Puis, j’ai lu « Hollywood Jan » de Bastien Vivès et Michaël Sanlaville. J’étais stupéfait. Ce n’était pourtant pas du tout la direction que je recherchais. Je pensais à un dessin plus réaliste dans la veine de « 20th century boys » ou de certains comics. Le dessin de Michaël est plus cartoon, mais possède un dynamisme impressionnant. C’était la meilleure option pour « Rocher rouge ».

La dernière case laisse la porte ouverte à un tome 2. C’est un projet?
E.B. C’est plus qu’un projet puisqu’il y aura un tome 2 d’ici un an. Le scénario est déjà bien entamé…

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

« Rocher Rouge » par Eric Borg et Mickaël Sanlaville. KSTR, Casterman. 16 euros.

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