Damien Marie: « J’aime regarder derrière les rideaux de paillettes »
Avec le milieu de la mode et du show-biz en toile de fond, « Dans mes veines » aurait pu devenir un polar plein de strass et de paillettes. Mais, ce n’est pas le style de Damien Marie qui préfère laisser son héroïne trainer du côté obscur de ce milieu gangréné par la drogue et la prostitution.
Pourquoi avoir choisi ce milieu de la mode ? Est-ce un milieu que vous connaissez bien ?
Damien Marie: Non ce n’est pas un milieu que je connais directement. Mais la documentation nous entoure, la TV et les gens du show-biz ne parlent presque que d’eux. Et tout comme j’ai aimé le faire dans « Ceci est mon corps », par exemple, j’aime regarder derrière les rideaux de paillettes pour voir la merde qui se cache derrière.
Au fil des pages, le côté glamour s’efface très vite pour laisser place à une histoire beaucoup plus sordide. Est-ce que vous avez cherché à construire le récit avec cette idée de descente aux enfers ?
D.M.: Il y a de ça, un peu dans toutes mes aventures. Un décor qui pourrait être sympathique voir idyllique et l’orage qui vient noyer la carte postale. J’aime pousser mes personnages à bout pour qu’ils révèlent de vraies et fortes personnalités ; pour les « humaniser » dans leur choix et leur faiblesse.
Est-ce que l’on doit aussi y lire un message sur un milieu où les paillettes cachent les sachets d’héroïne ? Est-ce un cliché ou la réalité ?
D.M.: Cliché et réalité, je suppose. Je parle beaucoup d’addictions en tout genre : coke, amphés, héro mais aussi starisation, médicaments, alcools. Ces éléments participent au « cachet » de ce milieu. Du strass « télévisable » en quelque sorte, mais le sujet de l’histoire est tout autre et bien plus glauque : il apparaît avec les révélations de Georges à la fin du tome.
Tout le récit est raconté à la première personne du point de vue de l’héroïne. Pourquoi ce mode de narration ? Est-ce qu’il a été difficile de se mettre dans la peau d’une femme ?
D.M.: Me « mettre dans la peau de » n’est jamais une chose aisée, mais c’est le boulot d’un scénariste de réussir à porter le costard d’un autre, et c’est plutôt plus simple d’être une femme qu’un tueur d’enfants (« Welcome to Hope ») ou une raclure raciste (« Back to Perdition »). Le mode de narration en voix off permet d’avoir un ton entre le polar et le journal intime. On est comme une caméra embarquée dans Barbie. J’aime ce contact direct avec l’héroïne qui permet une intimité forte.
Le lecteur découvre l’intrigue au travers des souvenirs de Barbie, mais ceux-ci ne sont pas forcément très clairs en raison des drogues absorbées par la jeune femme. L’idée est d’installer le doute dans l’esprit du lecteur ?
D.M.: Je n’ai pas d’idées préconçues vis-à-vis du lecteur. J’essaie de faire passer une vision « naturelle » de ce que vit Barbie. Alors oui, ça dérape, c’est flou dans les coins, parce que Barbie est comme ça. Et qu’on est dans sa tête…
Le personnage de Barbie semble voué à un destin à la Nikita. Est-ce qu’il existe une filiation avec le personnage créé par Luc Besson ?
D.M.: Oui, « Nikita » a été un film qui m’a marqué et on peut y trouver des similitudes avec Barbie car leurs chemins sont instrumentalisés. Mais, ils seront rigoureusement différents dans les modus operandi et les buts de ces instrumentalisations.
Est-ce que cela veut dire que Jill pourrait devenir un personnage récurent avec d’autres cycles ?
D.M.: Non, je pense qu’elle en aura assez bavé comme ça…
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
« Dans mes veines » – Tome 1, par Damien Marie & Sébastien Goethals, Bamboo, 13,50€.