Christopher: « Essayer de retrouver l’intensité d’un match »

Après avoir illustré l’histoire de l’OM, Christopher fait revivre le carré magique des Bleus dans les années 80 grâce à un scénario tout en finesse de l’historien Sylvain Venayre. « Mon album Platini » s’interroge ainsi sur la passion du ballon rond tout en jouant sur la fibre nostalgique de la génération Séville 1982.

Après l’histoire illustrée de l’OM, c’est votre deuxième album centré sur le football. Vous avez un vrai plaisir à dessiner du foot?
Christopher. Oui, à condition d’alterner avec des bandes dessinées avec des filles, parce que les mecs en short, au bout d’un moment, il y en a ras le bol (rires). Je prends beaucoup de plaisir à m’amuser à retrouver des archives pour trouver le plan idéal pour certaines actions.
Qu’est-ce qui est difficile quand on dessine un match de foot?
C. C’est de retrouver l’intensité d’un match. L’émotion que l’on arrive à vivre quand son équipe marque un but, on ne peut la vivre quand dans un stade. On ne peut pas la retranscrire dans un livre.
Dans une interview récente, Didier Tronchet m’expliquait qu’on ne pouvait pas dessiner le foot sans y avoir joué…
C. Je ne pense pas qu’avoir joué au foot est indispensable, mais être passionné, c’est certain. Sans cela, on n’arrive pas à retranscrire l’attente, la fièvre et toute la dramaturgie du football.

Ce qui frappe quand on lit votre livre, c’est que l’on reconnait tous les joueurs…
C. C’était compliqué de raconter ces moments car ils existent déjà en archives. Je n’avais pas le droit de reprendre les photos. J’ai donc mélangé plusieurs clichés pour ne pas être poursuivi pour plagiat. Ce qui était ensuite assez compliqué, c’était de trouver des attitudes. C’est alors le côté un peu fan de foot qui m’a aidé. On a reconnait tous la morphologie de Giresse ou la démarche de Jean-Pierre Papin. On sait que ce sont eux. C’est l’essence même de ces dessins.
Avez-vous également revu les matchs?
C. Curieusement, je n’avais jamais vu la demi-finale face à l’Allemagne en 1982. Je l’ai vécu en direct à la radio. J’étais en colonie de vacances. A 3-1, on était en train de faire la fête et on ne comprenait pas pourquoi les monos commençaient à gueuler. On est revenu en courant et on était aux tirs au but. C’était un peu le calvaire. Je n’avais jamais vu le match en entier. Je l’ai regardé pour faire cette bande dessinée.

Pour le France-Brésil de 1986, vous avez opté pour une reconstitution avec des figurines de Subbuteo…
C. Sylvain est très historien et moi très supporter. C’était assez marrant de confronter nos deux univers. Moi, c’est avant tout l’émotion, le supporter, la demi-finale de 1984 à Marseille, la Coupe du Monde de 1998. Quand j’étais petit, on écoutait les matchs à la radio. J’allais chez un copain qui avait un Subbuteo et on refaisait les actions. J’avais envie de retrouver un peu tous ces éléments. Cette bande dessinée s’appelle « Mon album Platini ». Pour moi, il y a vraiment une madeleine qu’il fallait exploiter à fond en jouant avec toutes nos images d’enfance. C’est pour cela que le petit Sylvain va acheter ses vignettes Panini avec l’argent qu’il a piqué dans le porte-monnaie de sa mère.
« Mon album Platini » ne se limite pas aux matchs et propose également de nombreuses planches de dialogues avec toute une dimension philosophique. Comment avez-vous abordé cette partie du livre ?
C. C’était assez dantesque, à la foi excitant et un peu intriguant. Le récit de Sylvain part un peu dans toute une dimension à laquelle on n’est pas habitué quand on traite un sujet comme le football. Il fallait que je trouve un système narratif. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de cases blanches sans fond en réponse aux planches très fournies des matchs de foot.

Est-ce que vous vous êtes un peu reconnu dans le scénario de Sylvain Venayre?
C. Ce qui m’a tout de suite plus, c’est l’originalité du ton. J’ai lu le pitch, le résumé des séquences et les cinq ou six premières pages, puis j’ai élaboré ma façon de le dessiner. Je trouvais cela intéressant d’avoir ce côté émotionnel entre le Sylvain jeune et le Sylvain enfant. En plus, je me souviens très bien du drame du Heysel à la télévision. D’origine anglaise, je supporte Liverpool et l’avais très mal vécu. Cela m’a replongé dans mes propres souvenirs. Le Heysel et Séville ont été des moments clés pour moi. Je les ai vécus comme une forme de désillusion où le football merveilleux glissait vers un sport où il y a de la tricherie, des erreurs d’arbitrage et des supporters violents.
Vous êtes né en Angleterre. Que représente Platini pour vous?
C. J’ai grandi dans le sud de la France à Marseille et je rêvais qu’il joue pour l’OM ! C’était le maître à jouer. L’un de mes premiers souvenirs de Platini remonte à une demi-finale de la Coupe de France en 1976 entre l’OM et Nancy. Suite à un coup de tête involontaire, il était sorti du terrain après avoir égalisé. Coup du sort ? En tout cas, l’OM s’était qualifié (4-1) pour la finale. A la fin des années 70 et au début des années 80, il n’y avait pas une séquence de publicités à la télévision sans Platini. C’était je pense la première fois qu’un footballeur français devenait une star. Il présentait bien et parlait bien. C’était tout simplement le gendre idéal.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Mon album Platini » par Christopher et Sylvain Venayre . Delcourt. 21,90 euros.
