Chandre: arnaque, crime et Britanniques

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Chandre a de quoi séduire les lecteurs de BD mais aussi les amateurs de polar: l’auteur lorrain a adapté deux romans d’Agatha Christie et sort un troisième volume en octobre.

Qu’est-ce qui est le plus compliqué dans l’adaptation d’un roman d’Agatha Christie en BD ?

Chandre : Quand on lit un roman, une nouvelle ou une pièce de théâtre, on interprète le texte mentalement et on se crée ses propres images. On est à la fois metteur en scène et spectateur. Avec une adaptation en BD, c’est différent, car le dessinateur a déjà imaginé les images pour son lecteur. agathachristie.jpgCelui-ci est juste spectateur. Adapter Agatha Christie est en plus un peu particulier, car il faut traduire toute la psychologie de ses personnages en seulement 46 pages.

Ce ne sont pas non plus des romans avec beaucoup d’action…

C. : Effectivement. Agatha Christie prend plaisir à utiliser ses romans pour créer une foule de personnages et distiller leurs personnalités au fil des pages en n’hésitant pas à brouiller les pistes. Pour corser l’affaire, elle y mêle parfois une seconde trame voire même de fausses pistes qui ne vont pas plus loin. Elle “noie” son lecteur dans une multitude de détails pour le désorienter et utilise à merveille les caractères et travers humains. Dans le dernier quart du récit, elle va utiliser les éléments qu’elle a semés pour accélérer le rythme de façon crescendo jusqu’au dénouement. Les vraies scènes d’actions sont donc généralement à la fin.

Il y aussi souvent beaucoup de personnages. Est-ce compliqué à gérer pour ne pas embrouiller le lecteur ?

C. : C’est effectivement dur à gérer. On ne peut même pas supprimer certains personnages, car ils sont là pour amener un détail important. Ils n’ont parfois d’existence que pour une seule phrase. Mais il faut tout de même les imaginer graphiquement et surtout faire en sorte que le lecteur ne les confonde pas, car ils sont souvent tous issus du même milieu social. chandre1.jpgCela passe par des différences au niveau de leurs visages, mais aussi de leurs vêtements, leur langage ou leur attitude. On doit les imaginer comme des acteurs.

Est-ce que d’autres auteurs vous tentent

C. : Dans un genre tout à fait différent, je citerai Lovecraft. Mais bien l’adapter est une chose très difficile. Je ne pense pas en être capable pour le moment. Des nouvelles d’Armand Cabasson (éditions l’Oxymore) m’attireraient également. Mais pour le moment, je n’en ai pas fini avec Christie, et j’ai d’autres projets.

Qu’est-ce qui vous a séduit dans « Le crime d’Halloween », à paraître au mois d’octobre ?

C. : C’est un roman tardif. On imagine souvent les histoires d’Agatha Christie entre les années 20 et les années 40 voire 50. Celui-ci se déroule vers 1965 et décrit un monde en plein bouleversement. Je m’en suis vraiment rendu compte en travaillant sur ce livre. Les mentalités ont beaucoup changé durant ces années. Hercule Poirot est vieillissant et se trouve confronté à ces changements. J’ai aussi aimé le caractère inhabituel du crime pour un roman d’Agatha Christie. Il s’agit d’un meurtre d’enfant. Tout au long du livre, elle s’amuse d’ailleurs à faire dire à ses personnages qu’il a été commis par un “détraqué sexuel”. Elle avait vraiment le sens de la provocation. C’était une punk !
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Au niveau du dessin, avez-vous l’impression d’évoluer au fil des tomes ?

C. : Je me pose toujours beaucoup de questions par rapport à mon dessin. Je continue à apprendre. J’ai évolué, mais je suis encore loin de ce qu’il faudrait. Je suis parfois satisfait, mais cela ne dure pas longtemps. Actuellement je ne fais plus d’encrage et passe directement du crayon à l’aquarelle. J’ai envie d’essayer plein de techniques. J’ai le temps et beaucoup d’années devant moi.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

« Meurtre en Mésopotamie », tome 12 (F. Rivière & Chandre); « Témoin indésirable », tome 14 (Chandre); « Le crime d’Halloween », tome 15 à paraître le le 18/10 (Chandre). Emmanuel Proust Éditions (11 € le tome).

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