2005: l’année de la « mangalisation »

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C’est une nouvelle année record pour la BD, avec 3.600 titres parus. Une année marquée aussi, selon l’ACBD, par la « mangalisation » de la production, de l’édition, des métiers, des médias, etc.

Avec 3.600 livres appartenant au monde de la bande dessinée (dont 75,02% de nouveatés) publiés sur le territoire francophone européen en 2005, c’est un nouveau record qui vient d’être établi pour la 10e année consécutive, après 3.070 titres en 2004. La BD représente donc 7,2% (contre 6,14% l’an passé) de tous les livres édités et un peu plus de 6,5% du chiffre d’affaires de l’édition. Ces chiffres sont tirés du rapport annuel de Gilles Ratier, secrétaire général de l’Association des critiques de bande dessinée (ACBD).

Pour Gilles Ratier, 2005 est avant tout l’année de la « mangalisation »:
mangalisation de la production: sur les 2.701 nouveautés BD de 2005, 1.142 titres sont des mangas ou manwhas, ce qui représente 42,28% du secteur et une augmentation, pour cette année, de 388 titres. Quand on pense qu’en 1994, seuls 19 mangas avaient été publiés… Aujourd’hui, un enfant sur deux (entre 9 et 13 ans) lit des mangas et la France est le 2e marché mondial après le Japon.

Plus généralement, c’est toute la BD qui augmente sa production à tel point que la profession commence à s’interroger sur la surabondance de l’offre: les acheteurs de BD concentrent de plus en plus leurs achats sur les valeurs sûres et les libraires, toujours submergés, réalisent des mises en place très faibles sur les albums innovants, mais peu rentables.

mangalisation de l’édition: 203 éditeurs (ils étaient 207 en 2004) ont publié des BD en 2005 ; plus de 70% des albums ont été édités par seulement 17 d’entre eux et ils sont 25 à avoir publié des BD asiatiques (ils étaient 22 l’an passé). Si la profusion des mangas est l’un des principaux facteurs d’augmentation de la production BD, c’est donc toujours le cercle très fermé des principaux éditeurs qui produit le plus. D’autant plus que ces maisons d’édition possèdent tous des labels “manga”, acheteurs de licences. Le groupe Média Participations (avec surtout Kana qui s’impose depuis cette année comme le leader des éditeurs de mangas, Dargaud, Le Lombard, et, depuis l’an passé, Dupuis) a publié 417 titres en 2005, soit 11,58% de la production BD. Derrière arrivent Delcourt (Tonkam, Akata) et ses 10,08% ainsi que le groupe Glénat (avec Glénat Mangas relégué à la 2e place des éditeurs de BD asiatiques, Vents d’Ouest et Caravelle) avec 8,72%.

mangalisation des grosses ventes: les mangas se placent régulièrement parmi les meilleures ventes, tel « Naruto » dont 6 tomes (tirés entre 70 et 110.000 exemplaires chacun) sont parus en 2005. 002001G.jpgCertes on est loin des tirages du nouvel Astérix dont 2,4 millions d’exemplaires se sont vendus (soit 75% du tirage initial)en à peine deux mois. Mais si les mangas sont tirés à moins d’exemplaires, les nouveaux tomes des séries se succèdent dans des délais très rapprochés.

77 séries francophones ont par ailleurs bénéficié d’énormes tirages: le hors-série “Titeuf” de Zep (“Petite poésie des saisons”) et “Le petit Spirou” de Tome et Janry ont-ils été tirés à 600.000 ex., “XIII” de Van Hamme et Vance et “Largo Winch” de Van Hamme et Francq à 500.000 ex., “Kid Paddle” de Midam et “Cédric” de Cauvin et Laudec à 400.000 ex.

Cependant, l’écart se creuse, de plus en plus, entre gros tirages et peloton des ventes moyenne (situées, désormais, bien en dessous des 10.000 exemplaires). Si ce sont les indépendants qui souffrent le plus (2005 est même, pour la plupart d’entre eux, une bien mauvaise année), les grands éditeurs sortent leurs épingles du jeu en multipliant de grosses mises en place et en donnant toute liberté aux diffuseurs. Ces derniers, privilégiant la nouveauté, sont aujourd’hui les véritables maîtres du marché. Difficile, dans ces conditions, de valoriser le fonds, lequel est en nette régression.

mangalisation des métiers de la BD: arton1361.jpgde plus en plus de dessinateurs ou de scénaristes (ils sont 1.322 à vivre de leur métier sur le territoire francophone européen) s’inspirent des codes graphiques (grands yeux, dessin stylisé…) et narratifs (peu d’ellipses, ne s’interdire aucun sujet…) des mangas , à l’instar de nombre de séries chez Delcourt (“Les légendaires”, “Pixie”, “La rose écarlate”…), chez Glénat, chez Soleil, chez Paquet, aux Humanoïdes associés et du nouveau label Cosmo des éditions Dargaud où collaborent auteurs francophones et asiatiques.

Parmi ces 1.322 auteurs (ils étaient 1.298 en 2004) , 121 d’entre eux sont des femmes (soit 9,15% en 2005 contre 8,39% en 2004).

mangalisation de la culture BD:Après avoir été tant décriés, les mangas ont gagné leurs lettres de noblesse. la plupart des éditeurs privilégient aujourd’hui les grands classiques japonais qui n’ont pas encore été traduits en français et les œuvres destinées à un lectorat plus adulte. Le 9e art européen ou américain n’est pas en reste: en 2005, 107 titres datant de plus de 20 ans, inédits ou introuvables (soit 3,96% des nouveautés contre 70 et 3,30% en 2004), ont été édités en album.

Les éditeurs essaient aussi de rentabiliser leur fonds avec les droits vendus au cinéma (“Charly” avec “L’avion”, “Le démon de midi”, “Les chevaliers du ciel”), mais ce sont encore les mangas (“Le château ambulant”, “Kié la petite peste”, “Appleseed”…) et les comics (“Les 4 fantastiques”, “A History of Violence”, “Sin City”…) qui fournissent le gros des adaptations.

mangalisation des médias: Les mangas possèdent, désormais, leurs propres revues de pré-publications : Clamp Anthology, Coyote, D.Mangas, Dragon Ball, Mangas Hits (lancé à 100.000 ex., en partenariat avec M6), Manga Kids, Maniaks, Tokebi. Et si les magazines critiques ont plus de mal à exister (Le Virus Manga a disparu mais il reste AnimeLand, Mangajima, Mangascope…), le phénomène manga alimente les pages de tous les magazines, qu’ils soient spécialisés ou non. Côté BD classiques, on compte en 2005 24 revues spécialisées BD, contre 28 en 2004. D’autre part, de plus en plus de magazines proposent des BD : ainsi 368 albums ont été pré-publiés, soit 13,62% des nouveautés (il y en avait 339, soit 15,99%, en 2004) et le quotidien Libération s’est essayé, cet été, à la vente couplée, proposant un album de BD avec le journal du samedi.

Cependant, l’intérêt pour l’étude de la BD se retrouve surtout sur 17 des plus importants sites informatifs et non commerciaux d’Internet, lesquels sont de plus en plus performants et consultés estime Gilles Ratier. bdparadisio.com (360.000 visites par mois) et actuabd.com (97.500) arrivent en tête de ce peloton de tête dans lequel figurent également ToutenBD.com (6e rang, 60.000 visites).

Source : Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD (Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée).

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