UN APRES-MIDI UN PEU COUVERT
La déambulation d’un continental sur une île bretonne qui cache un lourd secret. Une fiction psychologique intéressante par l’un des auteurs de BD les plus engagés.
C’est sur une île bretonne où travaille son ornithologue de compagne que Pierre débarque le temps d’une journée. Mais pas de chance, une réunion de travail oblige la jeune femme à laisser son ami seul le temps d’un après-midi. Ce sera l’occasion pour Pierre le citadin de découvrir un monde à part, en proie à de vives tensions nourries par une affaire de pédophilie.
Associé à des albums politiques (« Garduno, en temps de paix », « Zapata, en temps de guerre », « Torture blanche » ou « Dol »), le nom de Squarzoni pour cet album plus contemplatif étonne d’abord. Un simple coin de Bretagne paumé à mille lieues des conflits de Croatie, du Mexique et de Palestine ou même de la politique sécuritaire de Nicolas Sarozy. Pas de grandes scènes d’action non plus, ni d’effets dans le découpage (un immuable gaufrier de six cases par planche en bichromie d’après photos), juste un homme qui déambule durant 80 pages dans une île bretonne imaginaire par un après-midi un peu couvert et surtout de brèves rencontres, quelques paroles échangées et des regards qui se croisent…
Contemplatif oui mais finalement pas tant que cela. L’air de rien, les différentes rencontres de Pierre sont l’occasion d’aborder des thèmes de société comme la désertification des zones rurales et difficiles d’accès et le vieillissement de la population, le conflit d’intérêts entre travailleurs de la terre et de la mer, jusqu’au non-interventionnisme des gens avec cette histoire de pédophilie. On ne se refait pas et même si la facilité avec laquelle les îliens – plutôt adeptes au contraire de la loi du silence – se livrent à un inconnu du continent est peu crédible, le propos de Squarzoni est captivant.
– Delcourt