SÉRUM
Dans le Paris de 2050, un homme est condamné à vivre en ne disant que la vérité. Un récit d’anticipation politique un peu mou mais intrigant.
Le moral dans les chaussettes? Envie d’une BD pour se changer les idées? Non, « Sérum » n’est pas pour vous. Dans le Paris de 2050, les immeubles gris abritent des gens tristes forcés au rationnement de l’eau et de l’énergie et cadrés par une police masquée intraitable. Kader vit seul dans son minuscule appartement et évite de parler à quiconque: il a été condamné à subir des injections de zanédrine, un puissant sérum l’obligeant à dire la vérité en toute circonstance…
L’ambiance à la « 1984 » de George Orwell qui se dégage de « Sérum » a quelque chose d’à la fois anxiogène et intrigant. Ce Paris d’anticipation, parce qu’il n’est pas si éloigné de nous dans le temps et dans le mode de fonctionnement au quotidien, permet de s’immerger facilement dans l’univers morne et pessimiste de Cyril Pedrosa bien rendu par le dessin de Nicolas Gaignard qui signe ici son premier album. Les planches du dessinateur sont en effet une succession de cases vides, grises, froides et lisses mettant en scène un personnage principal qui ne cesse de tirer la tronche. Ce n’est que progressivement que l’on comprend pourquoi car le scénariste – primé à Angoulême en 2008 pour « Trois ombres » – ne livre les explications qu’au compte-gouttes. C’est plutôt bien fait de ce point de vue même si l’intrigue s’avère finalement un peu convenue. En revanche, à l’instar de Kader, le lecteur finit par tomber dans une certaine torpeur de laquelle même les rebondissements ont dû mal à nous faire sortir. Il faut dire que tant les scènes de rébellion d’un groupuscule d’activistes que celles des manifestations populaires manquent singulièrement de pep’s. Reste que cette dystopie livre un intéressant éclairage sur le mensonge, celui d’Etat mais aussi sur lequel sont bâties toutes nos relations sociales.
Dessinateur: Nicolas Gaignard – Scénariste: Cyril Pedrosa – Editeur: Delcourt – Prix: 18,95 euros.