RETOUR À SAINT-LAURENT-DES-ARABES

Les camps de harkis font partis des sujets méconnus au sein d’une période sombre de l’Histoire de France, la guerre puis l’indépendance de l’Algérie. Daniel Blancou livre un témoignage fort à travers le parcours de ses parents, instituteurs dans l’un de ses camps.

Alors que l’on vient de célébrer cette année le cinquantenaire des accords d’Evian et de l’indépendance de l’Algérie, Daniel Biancou revient sur l’intégration des Harkis en France dans les années 1960-1970. Et pour évoquer cette période, l’auteur d’«Albert le magnifique» ne s’est pas tourné vers des victimes ou des historiens. Il a simplement donné la parole à ses parents, tous deux instituteurs ayant exercé entre 1967 et 1976 dans le camp de harkis de Saint-Maurice-l’Ardoise, sur la commune de Saint-Laurent-des-Arbres (Gard), ironiquement rebaptisée par les gens du coin « Saint-Laurent-des-Arabes »…. Et le couple d’enseignants de se souvenir comment, sans être préparés par l’Education nationale, ils se sont retrouvés à faire la classe à des enfants traumatisés par la guerre et ne parlant pas le français. De se souvenir aussi de leur propre naïveté. Comment, alors qu’il côtoyait ces familles, ils ignoraient tout des conditions de vie précaires dans les baraquements militaires sans sanitaires et soumis au couvre-feu avec courant coupé le soir à partir de 22h.

A la manière des récits d’Etienne Davodeau et d’Emmanuel Guibert («La guerre d’Alan»), «Retour à Saint-Laurent des arabes» est une bande dessinée au rythme posé et à l’ambiance graphique rappelant les années 60. A travers les conversations en famille à table ou sur le divan, entrecoupées bien sûr de flash backs, Daniel Biancou prend son temps pour nourrir son récit de détails et d’anecdotes. Son objectif, explique-t-il d’ailleurs n’était pas de « faire un savant exposé sur l’histoire des harkis en général ou une analyse sociopolitique pointue du mouvement dans son ensemble » mais bien de raconter le quotidien de ces « oubliés » de la guerre d’Algérie. « Parler sans fard des agissements condamnables de l’administration de l’époque » sans « nier la violence qui pouvait avoir lieu dans le camp, y compris de la part de certains harkis ». Après la déclaration d’indépendance, 91.000 harkis purent s’établir en France. Entre 1962 et 1970, environ 42.500 d’entre eux passèrent par les camps de transit décrits ici.

Au fur et à mesure du récit – qui s’achève par la destruction du camp après des révoltes qui se produisirent parmi les résidents -, Claudine et Robert Blancou vont tisser des liens d’amitié avec les familles, comprendre les différences culturelles et se forger une conscience politique.

Actualité oblige, d’autres bandes dessinées traitant de la guerre d’Algérie comme « Le cousin harki » (Farid Boudjellal) ou « Leçons coloniales » (Azouz Begag et Djillali Defali) sont également parues. « Retour à Saint-Laurent des Arabes » y apporte son regard personnel.


Delcourt

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