L’INCROYABLE HISTOIRE DU CANARD ENCHAÎNÉ

Le volatile le plus anticlérical, antimilitariste et anticorruption est centenaire. En racontant son histoire, les auteurs rappellent aussi 100 ans d’Histoire de France. Très instructif.

Le Canard Enchaîné a été fondé le 10 septembre 1915 pour les Poilus par Maurice et Jeanne Maréchal et Henri-Paul Gassier mais c’est le 5 juillet 1916 (date à laquelle le journal a été relancé avec une parution hebdomadaire et une ligne éditoriale élargie) qui a été retenu comme date anniversaire. Le plus ancien titre de presse satirique encore actif a donc 100 ans.

Et 100 ans, ça finit par peser lourd. Pas étonnant alors que « L’incroyable histoire du Canard Enchaîné » soit aussi dense. 178 pages signées de Didier Convard (« Neige », « Le triangle secret ») et Pascal Magnat (« Mad in China », « L’Empire ») qui, de manière chronologique et très documentée, parle des journalistes, de la censure mais aussi et surtout de la manière dont le journal a évoqué les grands événements du siècle passé et de celui en cours: deux Guerres mondiales, trois Républiques, 15 présidents et de multiples affaires ou magouilles. Mêlant mises en situation, dialogues, bons titres et extraits d’articles, Le Canard distribue avec humour les coups de bec à l’encontre des va-t’en-guerre, des financiers, des industriels, des politicards. Le trait simple et expressif, tendant parfois vers la caricature, est efficace.

Après les années 1970, période à partir de laquelle « Le Canard soulève le couvercle des marmites du pouvoir en dénonçant un grand nombre d’affaires » (en 1981, le trimestriel Les dossiers du Canard est lancé), la narration s’arrête brusquement pour laisser la place au « Jeu du canard »: on passe d’une case numérotée à une autre, chacune racontant une affaire ou un événement (l’avoir fiscal de Chaban-Delmas, les diamants de Bossaka, l’attentat de la rue des Rosiers, les otages du Liban, AZF, l’élection de Sarkozy, la fraude fiscale de Cahuzac, Bygmalion, etc…) à l’aide d’une image et d’un texte court. On regrette de ne plus rien apprendre sur l’histoire de la rédaction de l’hebdo satirique dans cette seconde partie mais elle reste très instructive. « L’incroyable histoire du Canard Enchaîné » s’achève sur la mort de Cabu, dessinateur emblématique du Canard (l’album lui est d’ailleurs dédié), tué lors de l’attentat à Charlie Hebdo. L’occasion de rappeler que la liberté de la presse est une valeur pour laquelle il faut toujours se battre.

Dessinateur: Pascal Magnat – Scénariste: Didier Convard – Editeur:Les Arènes BD – Prix: 22,90 euros.

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