L’ÉPOUVANTAIL
Une petite ville néozélandaise est le théâtre d’un meurtre sordide. Plus que le thriller lui-même c’est la peinture des personnages qui vaut la lecture.
Après « L’ultime défi de Sherlock Holmes » de Michael Dibdin, Cotte et Stromboni se sont attaqués à la transposition en bande dessinée de « L’épouvantail », un roman noir signé Ronald Hugh Morrieson. L’histoire se déroule dans les années 30. Une espèce de magicien à la silhouette efflanquée et au physique inquiétant – bien vite surnommé « l’Epouvantail » – débarque dans une petite ville de Nouvelle-Zélande. Une bourgade rurale sans histoires, hormis le viol et le meurtre non élucidés d’une jeune fille…
Avec une couverture digne d’un vieux film d’épouvante, on comprend d’emblée que l’on plonge dans un thriller sombre et effrayant. Mais ce n’est pas l’intrigue qui fait que l’on apprécie la lecture de ce roman graphique. Plutôt longue à démarrer, celle-ci aurait certainement gagné à ce que la personnalité trouble de l’Epouvantail soit davantage développée. Elle laisse aussi un goût d’inachevé: en repartant comme il était venu et en laissant derrière lui une nouvelle disparition, il ne répond pas à toutes les questions que l’on se pose…
Le tueur en série et ses meurtres semblent de toute façon surtout être un prétexte pour décrire cette petite ville où le progrès arrive lentement, par le biais d’une enseigne lumineuse électrique ou d’une patinoire. Et c’est cette description d’une communauté fruste et crédule qui séduit. Bibine, bagarres, adultes rustres et sans espoirs, ados qui se prennent encore à rêver d’un avenir meilleur (et ailleurs!), etc, les habitants emplissent largement les 128 pages de cet album au graphisme original: Stromboni qui, lorsqu’il ne dessinait pas des BD travaillait dans le secteur de l’animation (« Persépolis » de Marjane Satrapi), créé en effet une ambiance très particulière avec, sur un papier jaune, d’épais traits noirs rehaussés de crayons aux tons ocres et rouges. Puissant.
Le roman éponyme de Ronald Hugh Morrieson est disponible en poche chez Rivages.