LE BORDEL DES MUSES – Tome 1. Au Moulin-Rouge

De cabarets en ateliers, l’atmosphère de la Butte Montmartre du XIXe siècle à travers les yeux du peintre Toulouse- Lautrec. Dommage que le scénario manque de profondeur car graphiquement Smudja signe là un album magnifique.

Après Van Gogh l’an dernier, c’est désormais Toulouse-Lautrec qui prend vie sous le pinceau de Gradimir Smudja. Des folles soirées au Moulin Rouge aux cuites mémorables en passant par les cours de peinture et ses promenades avec sa mère, la vie du peintre albigeois dans le Paris artistique et festif est ici restituée très librement.

Ne tournons pas autour du pot, graphiquement « Le bordel des muses » est magnifique, tant du point de vue du dessin que des couleurs. En quittant la Yougoslavie pour la Suisse au début des années 80, Smudja a travaillé dans une galerie où il réalisait des copies. Et ca se voit: il entre de plain-pied dans tous les univers des peintres qu’il évoque et comme dans « Vincent et Van Gogh », le dessinateur s’amuse à intégrer des tableaux célèbres à l’histoire. Le trait se fait donc par exemple pointilliste ou impressionniste selon les cas.

Les couleurs dominantes changent aussi en fonction des personnages mis en avant: ocre et pointes de rouge pour Toulouse-Lautrec, bleu et vert pour Monet, jaune et bleu pour Van Gogh, etc. Le découpage est également original, les cases suivant par exemple les mouvements des jambes des danseuses de french cancan, ou dessinant un moulin.

Mais un graphisme éblouissant ne suffit pas à faire une excellente bande dessinée. Et dans « Le bordel des muses » (qui comprendra deux autres volumes) autant le dessin est attirant, autant le scénario est décevant. En fait il n’y en a pas vraiment d’ailleurs. Le dessinateur brosse surtout toute une galerie de portraits à commencer par le héros lui-même: une espèce de clown disgracieux, complexé par sa taille et rêvant de grandeur dans ses délires nocturnes, mais fondamentalement fêtard et amateur de jolies femmes…

Le scénario se résume donc à suivre Toulouse-Lautrec dans ses délires et ses rencontres avec des artistes et personnalités connus de l’époque (Van Gogh, Seurat, Gaugin, Monet, Eiffel, La Goulue, Dreyfus, etc). Il s’agit donc là d’une succession de saynètes rigolotes dont le seul fil conducteur est Toulouse-Lautrec au mileu de la faune de Montmartre à Paris. Son précédent album, « Vincent et Van Gogh », présentait déjà un peu ce défaut mais le scénario était davantage construit.

On referme donc « Le bordel des muses » l’œil satisfait mais l’esprit reste sur faim. Dommage.

Delcourt

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