LA RÉPUBLIQUE DU CATCH
De Crécy revient à la bande dessinée avec un album entraînant prépublié dans un magazine japonais. L’histoire d’un marchand de piano qui va devoir se battre contre sa famille de mafieux.
Nicolas de Crécy n’avait pas sorti d’album de bande dessinée depuis le dernier tome de « Salvatore » en 2010 et « Carnets de Kyoto » en 2012. Une pause de trois ans qui prend fin avec « La République du catch », un récit prépublié entre août 2014 et mars 2015 dans la revue japonaise Ultra Jump et qui sort quasiment en même temps en album en France et au Japon.
Dans une ville qui ressemble à New-York-sur-Loire, titre de son album paru en 2005, un minuscule marchand de piano solitaire traîne sa morne existence le plus loin possible de sa famille mafieuse. Un jour, celle-ci le charge pourtant d’aller porter une enveloppe à « une jeune femme de toute beauté »… Le minuscule bonhomme bigleux qui rêve de « toucher un jour la peau d’une femme » n’hésite pas une seconde. Peut-être sera-t-elle sensible à son charme ?
Un manchot pianiste dont les notes font avancer l’instrument, un bébé méchant en parrain de la mafia et des catcheurs musclés et masqués comme hommes de main, une tête tueuse qui a de la suite dans les idées, des fantômes bizarroïdes, l’imagination de Nicolas de Crécy ne connait pas de limite. Et forcément, au milieu de ce maelström il y a aussi l’amour avec notre petit marchand de piano qui en pince pour Bérénice, craquante catcheuse « avec les petites roses en plastique attachées aux souliers ».
L’histoire avait été écrite pour un court métrage avec un studio japonais en 2005 mais le projet n’a jamais abouti et le dessinateur l’a retravaillé pour cette histoire de gangs qui file à la vitesse d’un manga. Pour autant, ça n’en est pas vraiment un, Nicolas de Crécy ayant d’une part un style graphique propre et ayant d’autre part opté pour des univers proches de la culture japonaise mais à la mode internationale: la mafia sicilienne plutôt que les yakuzas, les fantômes plutôt que les yōkai, le catch plutôt que le sumo. Entre polar et fantastique, « La République du catch » se révèle finalement à la fois barré, charmant et brillant.
Seul bémol : le dénouement qui laisse le lecteur un peu sur sa faim, laissant la porte ouverte à une suite. Un choix que De Crécy explique par le fait qu’« au Japon, si un premier volume ne marche pas, ils arrêtent. Le récit est toujours mené avec l’idée qu’il faut trouver une suite tant que le succès sera présent ».
Dessin et scénario: Nicolas de Crécy – Editeur: Casterman – Prix: 20 euros.