LA FILLE DE L’EAU

Après une chute de pédalo, un jeune homme se retrouve sur la propriété d’un défunt architecte et va venir fissurer le quotidien trop lisse de la famille. Un huis-clos intelligent et sensible.

Membre fondateur en 2000 des éditions L’Employé du moi, le Suisse Sacha Goerg réalise ici un long one-shot de 200 pages. Tout commence pour le lecteur lorsqu’un jeune homme trempé débarque au pied d’une belle maison d’architecte après un accident de pédalo. Là il fait la connaissance des habitants de lieux – Sonia, la propriétaire, veuve d’un célèbre sculpteur, son fils Mattew, ado de 15 ans qui se cherche – et de quelques hôtes du moment. Mais la venue de cet inconnu qui se fait appeler Damien est-elle vraiment due au hasard?

A l’instar du dessin délicat à l’aquarelle sur lequel tranchent les aplats de couleurs vives des bâtiments conçus par le défunt architecte, « La fille de l’eau » est un roman graphique intimiste et sensible qui s’écoule lentement, donnant plus à sentir l’atmosphère des lieux et les sentiments des protagonistes qu’à ménager de grands rebondissements. Et pourtant, c’est à un tournant de leur vie qu’arrivent les personnages après avoir préféré se cacher derrière des masques et éviter de gratter la surface des choses pour ne pas voir ni dire la vérité en dessous, pour ne pas faire surgir les secrets enfouis. D’ailleurs ce n’est pas un hasard si avant de paraître en album, l’histoire a été prépubliée en partie sur le site du portail BD GrandPapier sous le titre de « Surface ».

Les cases libres, sans bordures, et les apparitions récurrentes du sculpteur disparu – sous la forme d’une silhouette noire et rondouillarde – posent sans cesse le récit à cheval entre la réalité et l’imaginaire, y compris jusqu’au dénouement final. L’ambiance est telle que cela fonctionne parfaitement. Un album puissant sur lequel on se laisse porter.

Dargaud

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