LA CASATI, la muse égoïste
Le destin romanesque d’une femme incroyable d’extravagance au début du siècle dernier qui eut à ses pieds des artistes de renom. Un bel hommage.
Gabriele D’Annunzio, Cecil Beaton, Man Ray, etc, la marquise Luisa Casati fut la muse et la mécène d’un grand nombre d’artistes du début du XXe siècle. Elle fut aussi avec ses yeux bordés de noir, ses cheveux teints en orange ou en vert, ses tenues extravagantes (quand elle ne se promenait pas nue), ses fêtes somptueuses et ses léopards tenus en laisse, une personnalité incroyable. De cette riche héritière italienne qui dépensa sans compter « pour contribuer à sa propre immortalité », il reste des tableaux, des photos, des personnages de roman. Mais elle-même est en réalité tombée aux oubliettes.
On ne peut donc que se réjouir du choix de l’Italienne Vanna Vinci (« »Aïda à la croisée des chemins », « Sophia », « La petite peste philosophe ») de se pencher sur la vie de la marquise. Le récit est chronologique, construit à partir d’une compilation de citations de personnes connues ou non l’ayant côtoyé, entrecoupés parfois de la voix de l’héroïne elle-même . En 80 pages, de sa naissance en 1881 à sa mort en 1957, l’auteure dresse le portrait d’une femme égoïste, capricieuse, dépensière, excentrique et mégalo qui voulait être adorée, admirée, vénérée. « La seule véritable oeuvre d’art ce sera moi » avait-elle déclaré un jour au peintre Giovanni Boldini.
La vie de Luisa Casati est tellement originale que la bande dessinée nous embarque jusqu’au bout. Les connaisseurs en arts s’amuseront à reconnaître au fil des cases des reproductions de tableaux ou de photos existants. Le coup de crayon est élégant à l’image de la marquise, l’intensité de son regard est sublimée. On aurait aimé toutefois un dessin un peu moins sage au regard de son sujet, plus délirant.
Ce n’est d’ailleurs pas le seul défaut de « La Casati, la muse égoïste ». Car si on est subjugué par la vie de la marquise, sa personnalité reste jusqu’au bout assez mystérieuse: que désirait-elle vraiment, était-elle saine d’esprit? Les témoignages disent et redisent finalement la même chose au fil des planches et le portrait dressé est un peu froid, car simple reflet de ce que les gens voyaient de la marquise. Il est vrai que si la documentation picturale n’est pas un problème, les écrits (article, lettres, documents officiels, etc) eux sont très peu nombreux. « Des pans entiers de la vie de Louisa restent muets » écrit d’ailleurs dans la préface de l’album Camille de Peretti, auteure d’un roman sur la Marquise (« La Casati »). Toujours est-il qu’à la fin de l’album, on a une seule envie: se ruer sur le Net pour aller chercher les oeuvres la mettant en scène et se rendre compte de son pouvoir de fascination. Luisa Casati méritait d’être redécouverte.
– Dargaud