DUEL

En pleines guerres napoléoniennes, deux officiers passeront vingt ans à s’affronter en duel sans qu’en sorte un vainqueur. Un roman graphique, librement inspiré d’une nouvelle de Conrad, très réussi sur deux personnalités hors du commun.

XIXe siècle, à l’orée d’un bois. Deux hommes se préparent à s’affronter en duel. C’est la conclusion d’une rivalité vieille de 20 ans démarrée lorsque le lieutenant Armand d’Hubert est chargé par sa hiérarchie de récupérer son collègue Gabriel Féraud parti pour la énième fois en ville s’enivrer et croiser le fer avec n’importe qui. D’ailleurs, Féraud ne tarde pas à trouver une raison d’être offensé et à provoquer l’aristocrate en duel « au premier sang », malgré l’interdiction prononcée par Napoléon afin de préserver sa Grande Armée…

Adapté d’une nouvelle de Joseph Conrad (« Le duel »), lui-même basé sur un fait-divers, « Duel » va plus loin. Là où l’écrivain privilégiait Armand d’Hubert, Renaud Farace – qui fut lauréat du concours Jeunes Talents à Angoulême avec sa « Querelle des Arbres » – développe les deux protagonistes à parts égales et en parallèle. Ainsi, sur fond de guerres napoléoniennes et de chute de l’Empereur après la Restauration, on suit la vie de deux hommes que tout oppose, hormis la grande bravoure au combat. D’un côté, Armand d’Hubert, l’aristocrate picard mesuré et maladroit avec la gent féminine. De l’autre, Gabriel Féraud, le roturier gascon, bouillant et querelleur, aimant l’alcool et les femmes. Tous deux, durant 20 ans, s’affronteront régulièrement en duel – sans qu’en sorte un vainqueur – lorsque le hasard des batailles les rapprochera. Les lieux seront différents, les armes et les grades militaires de chacun aussi, mais pas cette volonté indéfectible de s’affronter, comme s’ils étaient liés par un aimant invisible, comme s’ils étaient « les deux faces d’une même médaille »… Une dualité qui explique d’ailleurs la perte de l’article dans le titre de la BD par rapport à la nouvelle de Conrad.

Au final, au bout des 192 pages, on aura presque oublié l’anodine raison de ces deux décennies de duels. Mais qu’il s’agisse de l’épaisseur donnée aux deux protagonistes, de l’intérêt des dialogues, du découpage varié ou de la beauté du dessin en noir et blanc qui se teinte de rouge lors des combats, « Duel » forme un roman graphique qu’on n’est pas près d’oublier.

Avis enfin aux lecteurs les plus observateurs: Renaud Farace a caché de discrets extraterrestres dans certaines scènes, histoire de rendre hommage aux « Duellistes », le premier film du réalisateur d' »Alien » Ridley Scott, inspiré lui aussi du récit de Conrad.

Dessin et scénario: Renaud Farace – Editeur: Casterman – Prix: 22 euros.

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