CA NE COUTE RIEN
Un jeune Français se retrouve sans le sou à Shanghai, tenaillé par la faim. Récit passionnant d’un « ermite » moderne au coeur de la nouvelle Chine, symbole de la consommation.
Avec quelques économies et surtout un gros héritage à venir, Pierre, un jeune Français, débarque à Shanghai pour trois mois et copie d’abord la vie frivole et fêtarde des autres expatriés entre bons restaurants, discothèques et consommation de drogue.Mais au bout d’un certain temps, Pierre doit se rendre à l’évidence: son héritage tarde et son petit pécule fond à vue d’oeil.En s’adaptant au niveau de niveau de vie des Chinois, le jeune homme va alors découvrir un autre Shanghai. Et se découvrir aussi.
Limiter ses sorties au restaurant, se promener à pied parce que c’est gratuit, refuser les soirées entre copains parce qu’il faut ramener de l’alcool, réduire son budget nourriture encore et encore…. jusqu’à s’octroyer 60 centimes par jour de dépenses: deux tasses de café le matin, un sachet de pâtes instantanées le midi et une barquette de riz dans la rue le soir… Des calculs d’apothicaire comme cela, Pierre n’en avait jamais fait. Il n’avait jamais imaginé non plus qu’on pouvait penser exclusivement avec son estomac: progressivement, à mesure que sa peau se tend sur ses os, chaque fait du quotidien le ramène à la nourriture. Il ne voit plus que ça.Ce sentiment inconnu de ceux qui n’ont jamais eu vraiment faim est d’ailleurs retranscrit de manière astucieuse par Sylvain Saulne: la couleur disparaît presque totalement, se limitant aux fruits, aux légumes et à toute autre forme de nourriture.
Parallèlement à la décrépitude du corps de Pierre (volontaire quelque part car c’est lui qui refuse qu’on lui prête de l’argent), le jeune auteur – qui vit à Shanghai depuis un an – nous montre celle de la ville. Car à deux pas des gratte-ciel et de la surconsommation, se cachent les quartiers délabrés, la pauvreté et les privations.
« Ca ne coûte rien » est donc bien plus qu’un carnet de voyage, même si la critique du comportement des expatriés est plutôt violente. C’est d’abord le récit d’une introspection, d’une découverte de son propre corps. Passionnant.