Festival BD d’Angoulême 2024: zoom sur les expositions
Moto Hagio, Lorenzo Mattotti, Hiroaki Samura, Nine Antico, Thierry Smolderen, etc… Retrouvez les expositions de la 51e édition du festival.
La programmation du 51e Festival international de la bande dessinée qui se tiendra du 25 au 28 janvier 2024 a été dévoilée. Huit expositions rendront hommage au travail de Riad Sattouf, Grand Prix 2023 du Festival d’Angoulême, Moto Hagio, Lorenzo Mattotti, Hiroaki Samura, Nine Antico, Thierry Smolderen, le duo Jonathan Garnier et Amélie Fléchais, ainsi qu’à Lisa Blumen, Nina Lechartier, Jérémy Perrodeau et Chloé Wary réunis pour une création collective.
« Riad Sattouf, l’Arabe du futur, œuvre-monde ». L’exposition met en scène et en vie les personnages, les lieux (Bretagne et Syrie essentiellement), les mœurs, les époques et les différences culturelles entre l’Occident et l’Orient méditerranéen qui parcourent les six tomes de la série à laquelle Riad Sattouf vient de mettre un point final. Aux côtés des planches et dessins originaux de « L’Arabe du futur », des archives personnelles de Riad Sattouf, d’objets et de photographies à dimensions sociologiques et culturelles, des voix amicales et érudites viennent apporter leurs lumières sur l’homme, l’auteur et son œuvre. Ainsi, les confidences, au micro de Caroline Broué, de la romancière Leila Slimani, du jeune acteur Vincent Lacoste, de la journaliste Mathilde Serrell, de la sociologue Monique Dagnaud et des historiens Pascal Ory et Leyla Dakhli émaillent les différentes parties de l’exposition.
© Riad Sattouf, L’Arabe du futur 5, Allary Éditions, 2020, p. 171
« Moto Hagio, au-delà des genres ». Couronnant plus de cinquante ans de carrière, l’exposition évoquera l’histoire du shôjo manga et présentera le rôle essentiel de l’autrice dans sa véritable (ré)invention au début des années 1970. Articulée autour de trois thématiques fortes(“la fin de l’innocence” ou la construction d’un shôjo manga centré autour de personnages à l’aube de l’adolescence ;“l’âge des possibles” ou le recours à la science-fiction et au fantastique dans une exploration spéculative des rôles, des genres et des relations dans des sociétés imaginaires ; et “le temps des conséquences” ou l’inscription des récits dans un contexte désormais ancré dans la réalité contemporaine), cette rétrospective se veut comme une invitation à découvrir une oeuvre dont la place dans l’histoire de la bande dessinée mondiale demeure fondamentale.
« L’art de courir par Lorenzo Mattotti ». L’expo rassemble une centaine de dessins de Lorenzo Mattotti accompagnés de courtes fictions de Maria Pourchet. De toutes techniques et de tous formats, les images de Lorenzo Mattotti habillent des couleurs de la course les murs du musée d’Angoulême. Ils montrent de quelle façon le dessin peut s’emparer d’un vaste mouvement planétaire, où l’individu se fond dans le groupe ou bien s’en dégage, privilégiant les sentiers naturels, hors des stades et des contraintes matérielles. Dans ce dialogue entre les expressions artistiques, ce sont les corps, la vitesse, la répétition, l’entraînement, le mouvement primaire, le souffle, l’élan, l’idée d’une course entravée ou émancipatrice qui s’envisagent.
« Hiroaki Samura: corps et armes ». Essentiellement centrée sur ce monument du manga de sabre qu’est « L’Habitant de l’infini », l’exposition Hiroaki Samura: corps et armes convie le visiteur à une errance dans un Japon féodal où lames et chairs se toisent, se touchent et s’amalgament, dans un ballet cruel et mélancolique reconstitué à travers une scénographie percutante. Avec plus d’une centaine de planches et illustrations originales couvrant l’intégralité de la série, il s’agit de la première grande exposition consacrée à cet artiste déterminant.
« Nine Antico chambre avec vue ». À travers près de 200 pièces (carnets, fanzines, archives personnelles, storyboards, etc.), dont une centaine d’originaux, l’exposition présente la richesse d’une oeuvre où se répondent sans cesse légèreté et gravité. Nourrie d’images et d’icônes de la pop culture américaine, Nine Antico se plaît à convoquer les références et à varier les tons. Au coeur de son scénario : les femmes, dans tous leurs états. Petites ou jeunes filles, pin-up ou actrices pornos, amoureuses éperdues, rêveuses ou désillusionnées, seules, en duo ou en trio, groupies ou amazones, observatrices ou sujets de tous les regards, madones ou putains, mais toujours farouchement drôles et touchantes.
« Thierry Smolderen, le scénario est un bricolage ». À travers un parcours qui se veut le miroir d’une oeuvre scénaristique fonctionnant par intuition, que Thierry Smolderen (Prix René Goscinny – Meilleur Scénariste 2023) construit à l’aide de fragments disparates qu’il collecte (notes, clichés, photogrammes de films, etc.), dans lesquels il vient puiser son inspiration, l’exposition au décor composite propose plus d’une centaine de planches des collaboratrices et collaborateurs de l’auteur. Bonus ludique et pédagogique : les visiteurs peuvent s’initier à l’art du scénario grâce à des explications de notions clés. Enfin sont présentés quelques projets en gestation, preuve que Thierry Smolderen est un bricoleur inépuisable.
« Bergères guerrières: la grande quête de Jonathan Garnier et Amélie Fléchais ». L’exposition convie petits et grands à une aventure dans les décors magiques qui constituent l’univers de la série lauréate du Fauve Jeunesse en 2022: depuis le village du bord de mer de Molly, qui évoque les côtes écossaises, jusqu’à une citadelle qui emprunte au style asiatique en passant par la forêt des sorciers et le hameau montagneux des éleveurs de chiens. Il appartient aux visiteurs, plongés dans une atmosphère magique, tour à tour inquiétante et lumineuse, d’augmenter leurs habilités et compétences afin de – qui sait ? – valider leur diplôme et porter la cape de Bergère guerrière !
« Ligne(s) de départ rien ne sert de courir? ». Quatre artistes, quatre univers, sont en première ligne : Lisa Blumen, dans ses infinies nuances de gris coloré, convoque des athlètes influenceuses et utilise toute leur grammaire (leurs innombrables codes et tics, le selfie beauté, l’importance du regard, de ce qui est voilé ou dévoilé, etc.) pour montrer comment leur échappée, c’est-à-dire la préparation de leur corps, peut conduire au malaise. Nina Lechartier, reine de l’hybride et des matières, s’invite dans le quotidien de quatre monstres-coureurs juste avant la course. Elle les suit dans l’intimité de leur cuisine ou de leur salle de bain, écoute leur entraide, leurs mises en jambe, leurs petites voix. Jérémy Perrodeau use de sa ligne foisonnante et précise pour signaler l’imminence d’une course de vaisseaux. Il la décompose en un inventaire de formes, de règles, de stades, de pilotes et de trajectoires. Ce faisant, il décrypte l’aléatoire : une course comme un jeu de dés. Chloé Wary et son feutre flamboyant qui sculpte les corps comme les terrains vagues de cités met en scène un danseur de hip-hop quelques secondes avant le départ. En diffractant son élan, elle détaille son corps en suspens et suggère la montée d’adrénaline, le vertige mental.