Christophe Cazenove : « Boule et Bill sont intemporels »

Après avoir grandi en lisant « Boule et Bill », Christophe Cazenave écrit aujourd’hui les gags du petit garçon et de son facétieux cocker. Des histoires drôles ou parfois simplement tendres qui perpétuent la bienveillance des grands classiques de la BD franco-belge.

En quoi les gags de « Boule et Bill » sont différents de ceux de vos autres séries humoristiques (« Les Pompiers », « Les Sisters », « Les Fondus », « Les Petits Mythos ») ?
Christophe Cazenove. La grosse différence est que j’ai grandi en lisant « Boule et Bill », ce qui n’est bien évidemment pas le cas de mes autres séries. J’ai des souvenirs d’enfance très précis dans lesquels je me revois chez mes parents avec mon frère lisant des albums de « Boule et Bill ». À cette époque-là, je ne les avais pas tous, alors je relisais les mêmes tomes en boucle. Je me souviens aussi que je détaillais la liste des précédents tomes qui figure sur le dos de chaque album et je rêvais d’avoir « Papa, maman, Boule … et moi ! ». J’adorais la couverture ! Mais je ne l’ai jamais eu. Je ne l’ai toujours pas aujourd’hui, en tout cas pas cette édition-là. J’ai bien sûr l’album, mais dans une édition différente.



Certaines planches sont plus tendres que drôles. C’est plus difficile d’être drôle tout en restant gentil et bienveillant ?
Ch.C. Je ne me pose pas la question quand j’écris. Il se trouve que j’ai appris les codes de la BD et ceux du gag avec « Boule et Bill », « Gaston Lagaffe » ou encore « Astérix ». Toutes ces séries sont drôles avec des passages parfois plus tendres et sont toujours positives et bienveillantes. Encore aujourd’hui, c’est ce genre de lecture que je privilégie. Je m’y retrouve en tant que lecteur et donc, forcément, en tant qu’auteur, c’est ce que j’ai envie d’écrire, de faire passer. Avec « Boule et Bill », on peut se permettre de faire des pages un peu moins amusantes, mais beaucoup plus tendres, ou bien de pencher vers l’absurde avant de revenir vers du gag plus classique et efficace. Dans le ton, c’est une série qui propose plus de variété que ce que l’on pourrait penser au premier abord. Roba avait posé ces jalons-là dès ses premiers albums de « Boule et Bill ».

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Est-ce que vous avez un chien ? Est-ce que cela vous aide à trouver des idées ?
Ch.C. Lorsque Pauline, la directrice de collection qui s’occupe de « Boule et Bill », m’a proposé de reprendre l’écriture de la série, je lui ai dit que j’avais un chien et je me souviens qu’elle m’a dit que ça allait sûrement servir la série, car ce qui est primordial est le lien entre le petit garçon et son chien. Ça tombe bien parce que lorsque je suis avec un chien, je redeviens un petit garçon. J’ai eu un chien pendant 14 belles années. C’était un vrai collègue de travail, car je cherchais mes idées de gags lorsque nous étions en promenade. Plusieurs gags de mes trois premiers albums de « Boule et Bill » m’ont été directement inspirés par ma complicité avec mon Vix. Depuis peu, nous avons une petite Bali de deux mois. Je l’observe et me nourris de ce qu’elle fait pour écrire le tome 40 de « Boule et Bill ».



Quand on reprend un classique comme « Boule et Bill », est-ce que l’on doit obligatoirement être fidèle à l’original ou est-ce que l’on peut se permettre de la moderniser un peu ?
Ch.C. Je n’avais aucune envie de moderniser la série et par chance, ce n’est pas ce que Dargaud m’a demandé. Au contraire, on m’a incité à rester fidèle au noyau dur original, à savoir les relations entre les parents, Boule, Bill, Pouf, Caroline, plus quelques personnages secondaires comme la voisine Madame Stick, son chat Caporal et la petite Noisette. Ce sont les interactions entre tous ces personnages-là que j’ai toujours aimés dans cette série, je trouve que c’est un univers qui se suffit à lui-même. Ma relation avec « Boule et Bill » est très particulière, vous savez. J’aime profondément cette série. Je l’ai toujours suivie même une fois adulte. J’ai rêvé d’avoir un chien en la lisant et aujourd’hui j’ai la chance d’apporter ma petite pierre à ce bel édifice. Je considère « Boule et Bill » comme un jouet magnifique, j’ai le droit de m’amuser avec, mais je ne dois surtout pas l’abîmer.

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Qu’est-ce qu’il est alors possible de faire pour la rendre plus actuelle ?
Ch.C. Avec le dessinateur Jean Bastide, nous mettons au goût du jour certaines pages en montrant, par exemple, le papa faire la vaisselle pendant que la maman regarde son iPad. Les premiers Boule et Bill sont ancrés dans une époque où les mœurs et les codes familiaux n’étaient pas tout à fait les mêmes qu’aujourd’hui. Du coup, nous nous permettons quelques discrets ajustements. Les jouets de Boule sont plus modernes comme on peut le voir sur la couverture du n°37 où Jean a placé plusieurs références à des mangas, mais l’idée n’est pas d’actualiser la série. « Boule et Bill » sont intemporels.



Est-ce que les deux films inspirés de cet univers peuvent être une source d’inspiration ?
Ch.C. Dès que l’on m’a proposé de travailler sur les gags de « Boule et Bill », je me suis empressé d’acheter le DVD du premier film… et je ne l’ai toujours pas vu. Je regarde très peu la télé et ai un peu perdu l’envie d’aller au cinéma. Du coup, les films seraient peut-être une source d’inspiration, mais je ne pourrai le dire que si je les vois un jour.



En intégrant parfaitement le style de Roba, Jean Bastide conserve l’aspect intemporel de la série…
Ch.C. C’était essentiel pour moi, mais je ne suis pas un élément décisionnaire du processus de reprise de la série. Je suis juste heureux que Dargaud ait lui aussi souhaité que Jean Bastide se rapproche le plus possible du style de Roba. Jean est très impressionnant. Les BD humour ne sont pas dans sa culture comme elles le sont dans la mienne, mais il est parvenu très rapidement à s’approprier les codes de la bande dessinée à gags. C’est un observateur, un analyste. Moi, je regarde un dessin de Roba, lui il le comprend. Ça fait toute la différence entre un scénariste et un dessinateur !


Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Boule & Bill Tome 39 – Y a d’la promenade dans l’air » par Christophe Cazenove et Jean Bastide. Dargaud. 10,95 euros.

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