Astérix fasciste? « Une faute contre l’humour »?
Dans une chronique radio, Michel Serres accusait la bande dessinée culte de véhiculer un « éloge du fascisme et du nazisme ». Hier le philosophe a modéré ses propos et plaidé « une faute contre l’humour ».
Les icônes de la bande dessinée n’en finissent pas d’être analysées sous un oeil politique. Après « Tintin au Congo » accusé de faire l’apologie du colonialisme et « Les Schtroumpfs » dont la société est supposée être « un archétype d’utopie totalitaire empreint de stalinisme et de nazisme », c’est d’une chronique sur France Info diffusée le le 18 septembre (« Le sens de l’info ») qu’est partie la polémique sur Astérix: le philosophe Michel Serres qui ne veut pourtant pas passer pour « un grognon anti-BD » y explique que nos irrésistibles Gaulois véhiculent un « éloge de du fascisme et du nazisme ». Pour étayer sa démonstration, il note que: dans les albums d' »Astérix » « tous, absolument tous les problèmes se résolvent toujours à coups de poings, comme si la force physique était une solution à tous les problèmes et à tous les maux. « Or « la force pure est quelques chose d’un petit peu fasciste ». Michel Serres note d’ailleurs que cette « force pure » est tirée de la potion magique des Gaulois. D’où selon lui « l’éloge de la drogue » fait dans les albums. De même le traitement réservé au barde Assurancetourix à chaque fois qu’il tente de jouer et chanter serait là un « un mépris de la culture ». Michel Serres en vient même à comparer nos Gaulois à Hermann Göring qui affirmait : « Quand j’entends parler de culture, je sors mon revolver. » Et de conclure: « Mettez ces albums entre toutes les mains, vous formerez des adeptes de la force pure, de la drogue, et des ennemis de la Culture. »
Entres autres réactions, Les Inrocks ont donné la parole à Damien Boone, chercheur en science politique, qui répond point par point à Michel Serres (lire la réaction de Damien Boone) et préfère relativiser la portée de ces analyses: « On ne peut pas relire une œuvre classique avec un œil contemporain sans prendre le risque d’une interprétation anachronique. D’ailleurs Damien Boone rappelle que dans les années 1960, une partie de la presse décrivait « Astérix » comme étant une bande dessinée gaulliste: « Le village gaulois résistant encore et toujours à l’envahisseur romain serait de ce point de vue une métaphore patriotique de la France du général de Gaulle, refusant la double influence américaine et soviétique. De façon récurrente, et le journaliste-interlocuteur de Michel Serres y fait référence, la bande dessinée a aussi pu être interprétée comme une métaphore de la Résistance française face à l’occupant nazi. » Enfin, histoire de renvoyer un peu plus Michel Serres dans les cordes, Damien Boone estime aussi que « l’intellectualisation d’un objet ludique qui appartient à notre patrimoine culturel permet à la fois de se distinguer socialement mais également de faire parler de soi »…
La chronique de Michel Serres a déclenché une telle polémique que ce vendredi 23 septembre 2011, il s’est expliqué aujourd’hui au micro de Jérôme Bouvier, le médiateur de Radio France. Le philosophe reconnaît avoir été « peut-être un peu excessif dans (s)on langage » et plaide aussi une « faute contre l’humour » en n’ayant pas tenu compte de l’humour présent dans la BD.