YEKINI, LE ROI DES ARÈNES

Au Sénégal où la lutte est plus populaire que le football, trois athlètes d’exception se battent pour le titre de « roi des arènes ». Plongée passionnante au coeur d’un sport traditionnel qui flirte avec l’argent et la politique.

Il mesure 1,92m pour 140 kg et possède une force hors norme. Yékini, jeune Sénégalais originaire d’un village de pêcheurs, s’apprête à entrer dans l’Histoire en battant Tyson à la lutte et en devenant le nouveau « roi des arènes ».

Lisa Lugrin et Clément Xavier, diplômés de l’école de bande dessinée d’Angoulême, nous plongent dans le Sénégal contemporain où la lutte traditionnelle – le lutteur peut à la fois donner des coups comme pour la boxe et recourir au corps à corps pour terrasser son adversaire – est un sport plus populaire que le football. C’est après avoir assisté, fascinés, à un combat lors de la fête du cinquantenaire de l’indépendance du Sénégal en 2010 que les deux auteurs décident de se pencher sur le sujet en bande dessinée.

Hormis Yékini, athlète humble et sérieux à l’hygiène de vie « digne d’une bonne soeur », l’album met en avant deux autres lutteurs aux philosophies de vie différentes: Tyson, le « roi » déchu qui a modernisé la lutte et qui négocie les contrats comme un homme d’affaires; et Balla Gaye 2, un jeune fanfaron rebelle et insouciant mais terriblement fort.

Mais cet épais album en noir et blanc – près de 400 pages au format 15,5 x 22 cm – ne se contente pas d’évoquer la lutte proprement dite, ses danses, ses chants de bravoure et ses préparations mystiques. Car ce sport lutte qui remplit les stades et fait rêver le peuple à un avenir meilleur est, comme le football chez nous, le royaume du sport business, des sponsors et des médias spécialisés prêts à tout pour faire vendre. La lutte attire aussi comme un aimant les politiques qui, à l’instar des candidats à l’élection présidentielle sénégalaise de 2012 et des leaders du mouvement séparatiste de Casamance, veulent profiter de l’aura du « roi des arènes »…

Tout cela, Lisa Lugrin et Clément Xavier l’ont mis dans leur album aux dessins crayonnés sobres entrecoupés de photos de rue ou de portraits des personnages. « Yékini, les roi des arènes » est donc un récit très riche à la fois instructif et attachant grâce aux scènes humoristiques que les auteurs parviennent à placer de temps à autre.

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