Julie Birmant : « Un Indiana Jones inversé »
Comme dans les films du célèbre aventurier incarné par Harrison Ford, Renée Stone brave tous les dangers à la recherche d’un trésor mythique. Sauf que Julie Birmant a parfaitement soigné le contexte archéologique de cette première « Aventure de Renée Stone » et en profite pour faire découvrir la Mésopotamie. Un subtil mélange de polar, de faits historiques et de grande aventure.
Pourquoi avoir situé cette première aventure en Abyssinie?
Julie Birmant. Dans notre série, les protagonistes sont tous plus ou moins inspirés de personnages réels. Parmi eux, il y a Hormuzd Rassam, qui est un Irakien qui a participé aux fouilles du Nil avec l’Anglais Layard. C’est un épisode très réel. Il est ensuite allé se perfectionner à Oxford. Il était très ambitieux et voulait devenir diplomate. Il a été envoyé en Abyssinie. On le raconte via un flash-back dans la BD. C’est le point de départ de toute la série. C’est ce rapport entre la Mésopotamie, la Syrie et l’ancienne Nihi. Il se trouve qu’il va y avoir une tablette mésopotamienne qui va se retrouver en Abyssinie, l’actuelle Éthiopie. Notre héros John Malowan est un descendant de Rassam. C’est là où commence la fiction puisque Rassam a eu plein d’enfants, mais on ne dit pas qu’il a eu un certain Malowan comme fils.
« Une aventure de Renée Stone » est une pure fiction, mais très ancrée dans la réalité historique…
J.B.
C’est essentiel. Comme dans toutes les bonnes histoires d’aventure, le but de cette série est de s’immerger dans la réalité de civilisations englouties. En général, elles reposent toutes sur des vérités historiques. J’avais envie de raconter ce qu’était la Mésopotamie, de montrer la civilisation de l’Irak ancien et en quoi on lui doit tout. Se balader partout dans le monde dans les années 30 me paraissait pas mal pour cela.
Une aventurière qui part à la recherche d’une tablette mythique dans les années 30 rappelle évidemment Indiana Jones…
J.B. Comme pas mal de gens, j’adore Indiana Jones. Simplement, c’est un peu un Indiana Jones inversé. Dans les films, l’archéologie est un peu un prétexte. C’est souvent tiré par les cheveux. Là, on essaie de raconter quelque chose qui se tient d’un point de vue archéologique. J’ai d’ailleurs rencontré un épigraphiste spécialiste de ces civilisations et de ses écritures. C’est lui qui écrit les énigmes mésopotamiennes donc c’est en vrai akkadien, une langue qui date du premier millénaire avant Jésus-Christ.
On peut aussi penser à Agatha Christie pour l’intrigue policière et certains personnages…
J.B. Notre héros se nomme John Malowan alors que le second mari d’Agatha Christie s’appelait Max Mallowan et était archéologue en Irak. Elle a d’ailleurs raconté ses fouilles en Irak dans le livre « La romancière et l’archéologue ». Comme Agatha Christie, notre héroïne Renée Stone est aussi une romancière anglaise.
Ce premier tome exige une lecture attentive pour bien comprendre tous les rouages de l’intrigue. Vous avez recherché cette complexité ?
J.B.
Avec Clément (Oubrerie), on voulait construire une intrigue policière et que chacun des trois tomes apporte des réponses. Chaque album devait aussi terminer une histoire. Chaque détail devait donc être important pour que tout se tienne. C’était une partie de l’enjeu de l’écriture. J’ai toutefois été surprise à la lecture de l’album. Alors que j’avais l’impression d’avoir écrit une aventure très classique, je me suis rendu compte que tous les personnages étaient un peu bizarres. Je n’en avais pas conscience sur le moment.
« Une aventure de Renée Stone » est votre septième album avec Clément Oubrerie. Que vous apporte cette complicité ?
J.B. Travailler avec un autre dessinateur m’a fait comprendre que notre osmose était rare. Je suis en admiration devant son dessin. Au-delà de l’esthétique, il sait donner vie à ses personnages. Une fois que j’ai fini l’album, tous ces personnages sont comme des petits êtres qui existent avec moi. Ce ne sont pas juste des espèces de marionnettes en 2D. J’espère que c’est pareil pour le lecteur. C’est rare les artistes qui réussissent à donner ainsi vie à leurs personnages.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Une aventure de Renée Stone – Tome 1. Meurtre en Abyssinie » par Julie Birmant et Clément Oubrerie. Dargaud. 14,99 euros.