Jérôme Le Gris: « Dépoussiérer le mythe du vampire »

Passionné par les vampires depuis le visionnage du « Dracula » de Coppola, Jérôme Le Gris a imaginé une histoire qui retourne aux sources du mythe tout en lui apportant un nouveau souffle. Magnifié par le dessin de Nicolas Sinner, ce « Lord Gravestone » pourrait bien devenir un classique du genre.

Est-ce que vous vous souvenez de la première fois où vous avez découvert une histoire de vampires?
Jérôme Le Gris.
Pour moi, le premier film important a été le « Dracula » de Francis Ford Coppola en 1992. Je savais ce qu’étaient les vampires et j’avais vu des images du « Nosferatu le vampire » de Murnau mais c’était du noir et blanc un peu austère et je n’avais pas tellement accroché. Le film de Coppola a en revanche été un vrai déclic notamment visuel. Il modernisait le mythe qui était un peu poussiéreux à l’époque. Il y a ensuite eu « Entretien avec un vampire » de Neil Jordan, qui a fini de me passionner pour cette thématique.

Cela faisait donc un moment que vous aviez envie d’écrire une histoire vampires…
J.L.G.
C’est un thème qui me plaît beaucoup. J’ai eu envie de le redépoussiérer, de revenir aux sources, de me rapprocher du roman gothique anglais et du « Dracula » de Coppola. Il y a eu beaucoup de vampires contemporains comme « Twilight » ou « Buffy » mais très peu qui sont retournés dans l’Angleterre gothique du XIXème siècle.

Quelle a été votre référence pour ce mythe du vampire?
J.L.G.
J’ai lu un peu tout ce que je pouvais comme « Carmilla » de Sheridan Le Fanu, beaucoup de romans gothiques anglais mais aussi le « Dracula » de Bram Stoker. Je pense que je me rapproche davantage de ce dernier livre puisque les histoires d’amour peuvent paraître un peu semblables.

Vous aviez envie de moderniser ce mythe?
J.L.G.
L’idée était de lui donner une nouvelle identité et de le rafraichir avec par exemple ce baiser rouge. On a aussi un peu décalé l’époque puisque Dracula se déroule en général dans l’Angleterre victorienne alors qu’on se situe cinq ans plus tôt dans une époque gothique encore empreinte d’obscurantisme. Je trouvais que c’était un cadre intéressant et qui n’avait jamais été utilisé pour une histoire de vampires.

Ce baiser rouge est donc une pure création de votre part?
J.L.G.
Oui, ce baiser d’immortalité n’existait pas. J’ai toujours trouvé un peu simple le côté « Je te mords, tu deviens un vampire ». C’est une transformation tellement importante, qui fait rentrer des choix personnels. J’ai eu envie d’une étape supplémentaire où l’on est entre deux. Une espèce de purgatoire de l’âme. C’est plus intéressant psychologiquement car dans cette zone, le personnage, à l’état d’incube, est traversé par tous les doutes des deux phases : rester humain ou devenir un vampire.

Vous aviez déjà travaillé avec Nicolas Sinner sur la série « Horacio d’Alba »…
J.L.G.
J’ai senti que son dessin était très adapté au thème du vampire et du gothique. La qualité de son encrage, ses noirs, ses personnages et sa mise en scène très cinématographique s’approchaient complètement du « Dracula » de Coppola. Il y avait aussi la manière dont il traite les cimetières, les scènes d’action, les visages des vampires et l’ambiance de l’Angleterre prévictorienne. Nicolas avait tout ce qu’il fallait dans le dessin pour retranscrire à merveille cette histoire dans cette époque. C’est ce qui s’est passé. L’aventure dure depuis pas mal d’années car on travaille actuellement sur l’encrage du troisième et dernier tome. Le second sortira en septembre prochain.

Ses magnifiques planches m’ont rappelé la série « Rapaces » écrite par Jean Dufaux et dessinée par Enrico Marini…
J.L.G.
Je vois la BD mais je ne l’ai pas lue. En revanche, c’est probable que cela ait été une influence pour Nicolas. C’est une série qui a compté pour les dessinateurs de sa génération. Enrico Marini est une référence dans ce style de dessin.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Lord Gravestone, tome 1. Le baiser rouge » par Jérôme Le Gris et Nicolas Sinner. Glénat. 14,95 euros.

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