Guillaume Bianco : « De l’aventure à la Tintin »
Avec ce nouveau triptyque dans l’univers de Billy Brouillard, Guillaume Bianco part à la chasse aux fantômes. Ce frissonnant premier tome du « Détective du bizarre » offre même une vraie loupe de trouble-vue pour suivre les traces de créatures fantastiques.
Billy Brouillard existe depuis huit ans avec trois tomes et diverses déclinaisons. Ce tome 1 du « Détective du bizarre » s’inscrit dans cette continuité ?
Guillaume Bianco. C’est assez compliqué (sourire). Il y a un triptyque central avec trois livres principaux et plusieurs albums satellites qui tournent autour. Ce sont d’autres triptyques. Il y a aussi « Les comptines malfaisantes », « Les Encyclopédies curieuses et bizarres » écrites par Billy Brouillard, ses livres de chevet, et donc ce nouveau triptyque avec des aventures à la Mickey. J’aime bien les trucs à tiroirs. On peut ainsi comprendre le livre sans avoir lu les autres.
C’est donc différent des précédentes publications ?
G.B. Dans les premiers tomes, il y a beaucoup de bestiaires et de réflexions. Même s’il y a de la bande dessinée, cela ressemble davantage à un gros grimoire en noir et blanc. Avec ce nouveau triptyque, je voulais quelque chose de plus aventureux, de plus premier degré, de plus Tintin.
C’est peut-être une porte d’entrée plus grand public vers cet univers ?
G.B. J’ai été surpris d’avoir des lecteurs de 9 ans sur le premier tome alors que c’est un album avec une grosse pagination, qui parle de la mort et de choses un peu noires. Alors, le grand public… De toute façon, je n’aime pas trop ce terme. Mais, il est vrai que ce dernier tome ressemble plus à un album classique, avec sa couverture et ses dessins en couleur.
Qui est ce petit garçon qui enquête sur des créatures bizarres ?
G.B. Comme tous les enfants, Billy Brouillard possède encore le pouvoir de s’émerveiller. Un pouvoir que l’on a tendance à perdre en grandissant. C’est aussi un petit garçon myope qui a décidé que sa vraie vision serait celle qui est trouble. C’est son don de trouble-vue. Plutôt que ce que les adultes veulent qu’il voie avec des lunettes, c’est-à-dire un monde bien précis et clair, il préfère ce flou qui alimente son imaginaire. C’est par exemple de voir un monstre dans la vision floue de l’arbre de son jardin.
Dessiner des monstres avec une totale liberté, c’est un peu retrouver un plaisir de gamin ?
G.B. Je fais exactement ce que je faisais quand j’étais plus petit. Je prenais une feuille et des feutres pour gribouiller des monstres et des héros. L’enfant qui est en nous ne disparait pas comme ça. J’ai un copain qui dit souvent que quand il dessine, il prend l’ascenseur et appuie sur le bouton « 8 ans ». Billy Brouillard me permet ça.
Comment vous est venue la géniale idée de la loupe de trouble-vue qui permet au lecteur de découvrir des choses au-delà des dessins ?
G.B. C’est une idée de mes éditrices Barbara Canepa et Clotilde Vu, qui aiment les beaux livres. Elles ont trouvé ce système de filtre rouge que l’on voyait beaucoup dans les années 80. C’est un peu la génération Pif Gadget. À l’heure du téléphone portable, on avait envie d’un truc un peu intime qui sente le papier, un petit objet un peu simple mais précieux à la fois.
Graphiquement, on devine des affinités avec le Petit Vampire de Joann Sfar…
G.B. On me l’a déjà dit, mais ce n’est absolument pas voulu. Je n’ai jamais pris l’un de ses livres pour examiner son dessin. Lewis Trondheim m’a dit que je devais avoir les mêmes influences que lui. Les mienne s’orientent vers Edward Gorey, Quentin Blake ou Bill Watterson. Mais, j’aime aussi ce que fait Joann Sfar. J’envie son lâcher-prise et cet aspect un peu libre de son dessin.
Il y aussi ce même thème commun axé autour de la mort. C’est délicat à traiter dans des albums jeunesse ?
G.B. Au départ, je ne pensais pas faire un album jeunesse. Ensuite, c’est un sujet fondamental, que je traite surtout dans le tome 1, qu’il faut aborder avec humour et sincérité. Il ne faut pas leur raconter d’histoires aux enfants ! J’ai eu ces mêmes questions existentielles à l’âge de Billy Brouillard. Après avoir trouvé mon chat mort dans le jardin, j’ai demandé à ma maman si c’était vrai qu’on allait mourir. Elle m’a dit que cela arriverait, mais dans longtemps. Ça ne m’a pas du tout rassuré. J’avais une espèce d’angoisse et le besoin de chercher des réponses. Je pense que l’on a peur de la mort dans nos sociétés occidentales, car on évite d’en parler.
Dans ce dernier tome, vous abordez surtout les relations entre les filles et les garçons, ce qui semble tout aussi mystérieux pour Billy Brouillard…
G.B. Il n’est effectivement pas super sympa avec elles. Cela cache quelque chose. Quand on a 8 ou10 ans et qu’on est amoureux de la petite blonde première de la classe, on ne comprend pas ce qui nous arrive. Au lieu de lui faire un bisou, on va souvent lui tirer les cheveux. C’est un peu ce que fait Billy Brouillard avec sa sœur et sa copine. Ce livre traite de l’enfance, des copains, de l’amour naissant, et surtout de l’aventure et du jeu. Quand on est enfant, on n’a peur de rien, on veut voir le monde et on aime se foutre la frousse !
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Détective du bizarre, tome 1. Billy Brouillard et la chasse aux fantômes » par Guillaume Bianco. Soleil. 16,95 euros.