Florent Calvez : « Il fallait saisir la gestuelle de George Best »

Pas spécialement fan de football, Florent Calvez a beaucoup étudié le jeu de Georges Best et réussit à faire revivre les plus grands moments du prodige de Manchester United. Adapté d’un roman de Vincent Duluc et scénarisé par Kris, ce « Georges Best, twist and shoot » va au-delà de la simple biographique d’un footballeur hors-norme et raconte aussi la folie pop des années 60 en Angleterre.

Est-ce que vous êtes fan de football?
Florent Calvez.
Contrairement à Kris, non, pas du tout… Même si comme un peu tout le monde, il m’arrive de regarder certains matches de coupes d’Europe ou du Monde.

Est-ce que vous connaissiez déjà bien Georges Best?
F.C.
Je connaissais la figure pop, en bonne partie grâce à ces punchlines. Alors, évidemment, j’ai bouffé des matches sur YouTube, notamment les « matches of the day » de la BBC. On trouve aussi quelques émissions d’époque, documentaires, interviews, compilations… Je pense que pas grand-chose ne nous a échappé !

Le scénario de Kris a été adapté d’un roman de Vincent Duluc…
F.C.
Kris m’avait parlé du bouquin il y a quelques années. D’autres amis, aussi. Pour préparer le projet, j’ai avalé le bouquin, qui a du rythme et du chien. Sa lecture a fait naître les premières images, notamment par les références et les personnages pop de l’époque qui font partie intégrante de ma culture personnelle. Naturellement, avec le bouquin en main, la collaboration avec Kris était aisée, on voyait et pensait la même chose.

La couverture de l’album reprend les codes de la pochette d’Abbey Road des Beatles avec Georges Best jonglant sur le mythique passage piéton de Londres. Comment vous est venue cette géniale idée?
F.C.
C’est une idée de Kris ! Il existe d’ailleurs des montages photos où George Best s’intercale entre les Beatles, sur le même passage piéton. Mais comme ils ne sont jamais croisés, George, seul, paraissait pertinent. Pour tout dire, les Beatles font partie de ma vie et c’est assez émouvant de leur rendre hommage. Surtout en reprenant la pochette d’Abbey Road, chef d’œuvre intemporel.

Dans une précédente interview, Tronchet me disait que ce qui comptait pour dessiner le foot, c’était de bien connaitre ce sport afin d’avoir le bon toucher de balle ou la bonne frappe…
F.C.
Probablement que c’est un atout supplémentaire pour dessiner des footballeurs en action. Reste que je n’ai pas appris l’escrime pour dessiner des mousquetaires… On fait comme on peut !

Il est forcément compliqué de retranscrire la dynamique et l’énergie du football?
F.C.
Ce n’est pas simple. Surtout, il fallait saisir la gestuelle et la posture de George. C’est un truc assez particulier, à la fois gracieux et en déséquilibre, léger et en ayant l’air de tomber tout le temps, avec des changements de direction permanents. C’est déroutant. Après, évidemment, on est dans un registre plutôt réaliste, donc il me semblait impossible de retrouver la narration exacerbée que l’on retrouve par exemple dans le manga de sport.

Au début de l’album, il y a des planches très fortes sur l’accident d’avion de l’équipe de Manchester United en 1958 et notamment une émouvante case avec les visages des victimes. Comment avez-vous abordé ce passage tragique?
F.C.
On savait qu’il fallait réussir ce passage, parce que c’est un point de départ majeur de l’histoire. Il explique et accompagne le récit. On pourrait même dire qu’il le hante. Aussi, on ne pouvait pas le traiter normalement et on a opté pour une approche expressionniste de la séquence. L’objectif était de restituer le drame, de rendre l’hommage, dans une esthétique qui émeuve.

Dessiner « Georges Best, twist and shoot », c’est aussi fait revivre l’Angleterre des années 60. C’est une période que vous appréciez?
F.C.
C’est une époque qui me parle à plus d’un titre. Naturellement, la culture pop, le rock n’roll, l’explosion de la jeunesse, dans un pays en transition, encore enraciné dans un paysage ouvrier. C’est une césure, un bouleversement. Et puis Belfast, Manchester, ce sont typiquement les décors qui me parlent. Par certains aspects, le Brest de ma jeunesse et le Brest d’aujourd’hui, notre ville à Kris et à moi, suinte de ce genre d’atmosphère.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Georges Best, twist and shoot » de Florent Calvez et Kris. Delcourt. 17,95 euros.

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