Christophe Bec: «Un hommage aux pulps»

Pour ce deuxième et malheureusement dernier tome de « Tarzan », Christophe Bec a fusionné deux romans d’Edgar Rice Burroughs pour construire une aventure palpitante qui mènera Lord Greystoke au cœur d’un monde souterrain préhistorique.

Que représente Tarzan pour vous?
Christophe Bec.
J’ai d’abord découvert Tarzan grâce à la bande dessinée. J’avais un ou deux albums. Évidemment, ensuite, j’ai vu les fameux films de la MGM avec Johnny Weissmuller. J’ai surtout été marqué par le premier. J’avais aussi lu le roman d’Edgar Rice Burroughs. Contrairement aux films, il ne m’en était pas resté grand-chose. Quand mon éditeur m’a proposé cette adaptation du premier roman, je m’y suis donc replongé. J’ai été surpris par l’aspect complètement naturaliste de la première partie quand Tarzan est enfant. J’ai essayé d’appuyer là-dessus dans mon adaptation. Ce côté sombre et violent que l’on ne voit pas forcément dans les films des années 50 avait également marqué mon éditeur Jean Wacquet. C’était un peu plus marqué dans le film « Greystoke » des années 80. Il m’avait beaucoup impressionné et je l’ai revu avant d’écrire ces adaptations. Il a d’énormes qualités. D’ailleurs, cela m’a un peu bloqué, car j’ai dû le digérer pour ne pas refaire la même chose.

Après avoir adapté le premier livre d’Edgar Rice Burroughs pour le premier tome, vous proposez ici une histoire inédite…
Ch.B.
Ce n’est pas une histoire inédite. En fait, j’ai mixé deux romans: «Le retour de Tarzan» et «Tarzan au cœur de la terre». J’ai essayé de les imbriquer dans une même histoire. «Le retour de Tarzan» est le deuxième livre. J’ai créé un lien avec le voyage à Pellucidar. Il me semblait que ça pouvait fonctionner.

Quel est le «cahier des charges» quand on écrit une nouvelle histoire de Tarzan?
Ch.B.
Je ne sais pas s’il y a un cahier des charges, car il y a eu tellement de Tarzan… Pour le premier tome, c’était d’être assez fidèle au roman original. Malgré tout, j’ai trouvé qu’il y avait des choses dans la deuxième partie du livre qui n’étaient pas pertinentes dans une adaptation «moderne». Je voulais respecter l’esprit sans faire une adaptation à la lettre. J’ai essayé de dégager la substance que l’on trouve dans Tarzan.

Pourquoi ce personnage est-il devenu mythique?
Ch.B.
Ça part de la survie d’un enfant dans un milieu hostile. Cela parle à tout le monde. On a tous vécu cela. Quand on est nouveau à l’école par exemple, on est face à un monde inconnu. Tarzan, c’est cela. Sauf que pour lui, c’est potentiellement plus dangereux. Ensuite, quand il devient adolescent puis adulte, c’est la confrontation d’un «sauvage» face à la civilisation. Cela pose la question des valeurs de nos sociétés qui s’opposent souvent aux valeurs primaires naturalistes. Cela rejoint des problématiques que j’aborde souvent comme l’écologie au sens planétaire dans Carthargo.

Il est important que Tarzan y défende des valeurs humanistes?
Ch.B.
Ce n’est pas tant qu’il les défende, mais plutôt qu’elles sont ancrées en lui. Ayant vécu dans la jungle, ses lois sont celles des animaux. La loi de la nature en fait. Elle a peut-être des valeurs plus fortes que celle imposée par les hommes.

Ce «Tarzan au centre de la terre» et son monde préhistorique est une sorte d’hommage aux pulps et récits de série B?
Ch.B.
Tout à fait. Autant le premier tome était une histoire naturaliste, autant le second, avec cette idée de terre creuse, est clairement un hommage aux pulps. On est typiquement dans l’évocation d’un Jules Verne ou d’un Conan Doyle. Ce côté très pulp était présent dans les romans de Burroughs. Les gens ne savent peut-être pas qu’il a écrit autant de romans (26 dont deux recueils de nouvelles). Sans doute avait-il parfois un peu de mal à trouver des sujets pour renouveler ses histoires et il s’autorisait donc des choses assez folles de temps en temps.

Avec le dessin de Roberto de la Torre, on se rapproche du comics…
Ch.B.
Il travaille en effet beaucoup pour des comics. Je trouve que son dessin se rapproche de celui de gens comme John Buscema, notamment dessinateur de « Conan le Barbare », Alex Toth ou un peu Joe Kubert aussi. Son trait colle parfaitement à l’univers de Tarzan et à ce côté pulp de ce deuxième tome. Son interprétation est un Tarzan assez massif.

Avec un héros aussi charismatique et aux innombrables possibilités de scénario, vous avez certainement déjà des idées pour poursuivre cette série?
Ch.B.
J’aurais bien aimé poursuivre. Il en était même question puisqu’il devait y avoir un troisième tome avec Éric Bourgier au dessin. C’est d’ailleurs lui qui a réalisé les deux couvertures. Finalement, l’éditeur a changé d’avis, car les ventes n’ont pas été aussi satisfaisantes que prévu. C’est une déception, mais je boucle malgré tout quelque chose avec ce deuxième tome. Au départ cela devait être deux histoires, le contrat est donc rempli.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Tarzan – tome 2. Au centre de la Terre » par Christophe Bec, Stefano Raffaele , Roberto Pascual De La Torre. Soleil. 16,95 euros.

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