Baptiste Bouthier : « Notre monde s’est modifié après le 11 septembre »
Vingt ans après les attentats du 11-Septembre, Baptiste Bouthier et Héloïse Chochois reviennent en détail sur cette journée dramatique et analysent ses conséquences sur notre monde d’aujourd’hui. « 11 septembre 2001, le jour où le monde a basculé » est un livre essentiel pour comprendre ce qui s’est passé ce triste jour de septembre 2001.
Comme le souligne le titre « Le jour où le monde a basculé », vous vous intéressez aux conséquences du 11-Septembre. C’était l’idée de départ ?
Baptiste Bouthier. L’idée de départ, c’est de raconter le 11-Septembre en pensant à ceux qui ne l’ont pas vécu parce qu’ils n’étaient pas nés ou trop jeunes pour tout bien réaliser. Nous voulions leur expliquer, au-delà des images des avions qui percutent les tours, le déroulement des faits, mais aussi leur réception. Il y avait aussi l’envie de montrer comment le monde dans lequel nous vivons aujourd’hui s’est énormément modifié depuis le 11 septembre. Ce n’est pas la seule raison qui a dicté l’évolution du monde depuis vingt ans, mais cela y a grandement contribué. On ne réalise pas à quel point le monde dans lequel on vit aujourd’hui peut être lié aux conséquences du 11-Septembre, à la fois dans les décisions politiques et les évolutions des rapports internationaux.
La bande dessinée est toute aussi passionnante pour des lecteurs qui ont vécu cet événement…
B.B. On se souvient tous très bien de ce qui s’est passé ce jour-là même si on n’a plus encore tout vraiment bien en tête vingt ans plus tard. On se souvient des grandes lignes et de ce que l’on faisait au moment où l’on a appris cette attaque terroriste. Ce livre permet de se replonger dedans, mais aussi de (re)découvrir des choses.
J’imagine qu’il existe une somme incroyable de documents sur le sujet. Comment avez-vous fait le tri ?
B.B. Très vite durant l’écriture, nous avons adopté ce schéma avec des allers-retours entre les États-Unis et la France, entre les événements eux-mêmes et leur perception par une adolescence française. On ne voulait pas être sur un prisme 100% américain. On ne voulait pas non plus être sur un seul plan. Il fallait raconter les tours qui s’écroulent, mais aussi ce qui se passe à l’intérieur des bâtiments ou le travail des pompiers.
La journée de Georges Bush est également assez emblématique. On devait trouver toute une galaxie de personnages qui racontent le 11-Septembre avec des points de vue et des angles différents, qui apportent des éléments nouveaux. J’ai donc lu et vu énormément de documents. J’ai fait une sélection et j’ai laissé de côté des centaines d’autres témoignages qui fonctionnaient moins bien. Je voulais m’appuyer sur des histoires très documentées afin d’être le plus précis possible. Je ne voulais pas devoir y ajouter des éléments.
Vous racontez donc aussi le 11-Septembre à travers les yeux d’une adolescente française. Pourquoi ce choix ?
B.B.Le personnage de Juliette permet de se rendre compte de ce qu’était 2001, de voir comment et à quelle vitesse l’information circulait. Les plus jeunes ne se rendent pas forcément compte qu’il y a vingt ans, les choses étaient plus lentes qu’aujourd’hui. Le monde entier a su très vite ce qui se passait, mais aujourd’hui ce serait instantané. On serait tous en quelques secondes sur nos téléphones portables à regarder les images en direct. Ce serait loin de la scène décrite dans la BD avec Juliette qui rentre en RER et qui entend vaguement une conversation sans vraiment comprendre ce qui se passe. La lenteur de la réception de Juliette est totalement anachronique aujourd’hui.
En centrant certains passages sur des personnes réelles, vous humanisez beaucoup le récit…
B.B. Ce n’est pas très compliqué de se documenter sur le 11-Septembre. Il y a tout sur internet. C’est donc très facile de faire un exposé plat et froid. On a vite écarté l’aspect purement chronologique des attentats. On l’a presque évacué en huit pages au début du livre pour pouvoir ensuite se concentrer sur autre chose. Les histoires racontées aux États-Unis sont incarnées, mais je trouve que plus encore le personnage de Juliette humanise beaucoup le récit. Il est fictif, mais tout ce qui arrive à Juliette est réel. Tous les adolescents de son âge ont vécu la même chose en 2001. C’est une façon de rendre le récit plus didactique, plus agréable à lire qu’un simple exposé.
Héloïse Chochois parvient à traiter ce sujet difficile tout en gardant un peu de légèreté dans son dessin. C’était important ?
B.B. Il ne fallait pas rajouter du sombre au sombre. Les palettes de couleurs, sans être hors-sujet, sont là pour donner un peu plus de vie et pour alléger le propos. Il y a une dominante bleue pour les événements qui se déroulent aux États-Unis et rouge pour l’adolescente française, puis ces deux palettes se mêlent sur la fin. On a très vite voulu cette alternance de couleurs pour accompagner le lecteur et identifier clairement les parties du récit.
Vous parvenez à raconter beaucoup de choses avec finalement peu de mots…
B.B. Je suis plutôt content d’entendre cela, car j’avais peur d’être trop bavard. Il y a énormément de choses à dire sur cet événement et il ne fallait pas tomber dans l’exposé un peu froid ou la page Wikipédia. Ce n’était pas le but. La revue Topo a aussi cela en tête. Du coup, je ne pouvais pas commencer à faire des pages avec plus de textes que de dessins. Ce n’est pas adapté à ce public. Cette quête a été très compliquée. Ce n’est pas simple de raconter des choses de façons factuelles et précises sur un événement aussi essentiel sans être trop bavard. L’équilibre n’était pas évident à trouver, mais on a pris le temps de le faire. Tant mieux si cet objectif est atteint.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« 11 septembre 2001, le jour où le monde a basculé » par Baptiste Bouthier et Héloïse Chochois. Dargaud. 18 euros.