ROUTE 78
1978. Un jeune couple part aux States sur la piste des hippies. Un road movie tripant dans l’Amérique des laissés pour compte.
1978. Eric et Pat, deux futurs instits de 20 ans idéalistes et fauchés, débarquent aux Etats-Unis sur la piste des Beatniks et du Flower power. Mais à peine arrivés à New York, c’est la galère et ils doivent passer leur première nuit à la belle étoile, cachés dans les buissons du parc de Washington square. Leur périple durera quatre jours, des milliers de kilomètres en stop au compteur pour rejoindre les hippies de San Francisco.
Avec « Route 78 », Eric Cartier (« Kaput & Zösky ») met fin à cinq années de silence. Ce récit autobiographique est né à l’initiative d’Audrey Alwett (« Princesse Sara », qui dirige aussi deux labels chez Soleil). A force d’entendre Cartier évoquer au gré de soirées les souvenirs de ce périple, la scénariste finit par lui proposer de l’aider à les coucher sur le papier. Le résultat de plus de trois années de travail est là : près de 180 pages intimes et puissantes qui portent un regard particulier sur l’Amérique.
Construit comme un carnet de route, l’album au trait dynamique et aux couleurs douces, se lit d’une traite. Le choix de ne pas traduire les nombreux dialogues en anglais nous immerge encore plus facilement dans ce passionnant voyage (mais pas d’inquiétude, les lecteurs qui ne comprendraient pas l’anglais pourront se référer à la traduction en fin d’album). On passe de rencontres en rencontres, de véhicules en véhicules, d’expériences en expériences et finalement de désillusions en désillusions. Car si les deux amoureux vont essayer toutes les drogues qui leur passent sous le nez, le voyage va surtout les faire tomber dans l’âge adulte de manière abrupte. Exit les hippies à l’amour libre joyeux et aux fleurs dans les cheveux, Eric et Pat croiseront des anciens du Vietnam détruits par l’alcool, des camionneurs allumés rejouant « Duel » et des toxicos élevant leur adorable petite fille dans un taudis au milieu des cafards. En 1978, l’Amérique de Cartier est celle des marginaux et des laissés pour compte. Avec tout de même en filigrane, une déclaration d’amour du dessinateur à sa compagne, celle qu’il « n’a jamais réussi à dessiner belle comme elle est »…
Dessinateur :Eric Cartier – Scénaristes : Eric Cartier et Audrey Alwett – Editeur : Delcourt, collection Mirages – Prix : 19,99 euros.