MUCHACHO – TOME 1
Une œuvre sensible et humaine qui plonge le lecteur dans un Nicaragua sous régime dictatorial en suivant un jeune séminariste tourmenté par la foi, la chair et la peinture. Un dessin au style expressionniste de toute beauté.
Nicaragua, 1976, la répression militaire contre les communistes étrangle le peuple. Un jeune séminariste doué pour la peinture, Gabriel dit « Tachito », est envoyé dans un petit village pour réaliser la fresque de l’église. Mais la population voit d’un mauvais oeil l’arrivée de ce jeune garçon, fils de l’une des plus riches familles du pays. Gabriel a du mal à se faire accepter d’autant qu’il a jusque-là peu côtoyé le peuple. Peu à peu pourtant, il s’ouvre aux autres et découvre le vrai visage de la dictature.
C’est lui qui tenait le crayon dans « La terre sans mal », sur un scénario d’Anne Sibran. Avec « Muchacho », Emmanuel Lepage signe sa première oeuvre en solo. Et quelle œuvre !
La collection Aire Libre a une fois encore tiré le bon numéro. « Muchacho », c’est 70 planches d’une beauté époustouflante. Lepage use d’une palette de couleurs impressionnante, y compris pour les scènes de nuit où se mélangent les nuances de bleu et de gris. Il dresse des portraits minutieux et installe des décors exotiques desquels transparaît l’atmosphère moite et étouffante du Nicaragua. On se croirait réellement au cœur de l’Amérique latine, surtout que des expressions en espagnol viennent ponctuer certains dialogues de façon très naturelle.
Sans être particulièrement original, le scénario est riche: en arrière plan, l’auteur décrit la pauvreté, la violence physique et psychologique gratuite et la lutte des opprimés contre les oppresseurs ; mais il s’attache aussi à montrer le cheminement d’un jeune garçon encore naïf qui apprend à se connaître. On imagine que dans le second et dernier tome de « Muchacho », Gabriel va de plus en plus s’affranchir de tout ce qu’on lui a appris, tant sur le plan politique qu’artistique, pour apprendre à réfléchir par lui-même et se faire sa propre opinion.. Mais on ignore encore pas mal de choses, notamment qui est exactement le père de Gabriel et quel est son rôle au sein de la dictature.
Pas question donc – s’il fallait encore un prétexte – de manquer le prochain album qui nous réserve sans doute encore de bonnes surprises.
– Dupuis