L’ORIGINE DU MONDE
L’organe sexuel féminin sous le joug masculin à travers les siècles. Une démonstration intelligente et documentée de son histoire et sa représentation culturelle.
Avec un titre identique au célèbre tableau de Gustave Courbet, rien d’étonnant à ce que « L’origine du monde » de Liv Strömquist nous parle du sexe féminin. Mais si vulve, clitoris, orgasme et règles sont passés en revue en long et en large sur 144 pages, le roman graphique de la Suédoise (« Les sentiments du prince Charles ») parle donc moins de biologie que de l’histoire du sexe féminin et de sa représentation culturelle.
Afin de montrer les préjugés masculins touchant aux organes génitaux féminins et de démontrer pourquoi et comment la vision machiste de la femme perdure jusqu’à aujourd’hui, le roman graphique convoque une flopée d’illustres personnages de tous temps: des médecins, des hommes d’église, des philosophes aux théories fumeuses sur la sexualité féminine…. Au IIIe siècle, l’écrivain Arnobe de Sicca décrivait ainsi poétiquement le corps féminin comme « empesté et dépravé, une outre vile, remplie d’excréments et d’urine »; au XIXe siècle, le Dr anglais Baker Brown pratiquait l’ablation du clitoris pour empêcher la masturbation féminine (la dernière a eu lieu aux Etats-Unis sur une petite fille de cinq ans en… 1948!); quant à Freud, il nomme le clitoris tout simplement « l’appareil masculin ».
Si le propos de Liv Strömquist est richement documenté, le ton lui est celui de l’humour mordant et le graphisme principalement en noir et blanc est plutôt naïf. C’est parfois un peu trop bavard, un peu répétitif et il y a souvent une redondance dans les cases entre le texte en voix off et le dessin. Mais on retient surtout l’analyse absolument convaincante de la dessinatrice suédoise. Une bande dessinée qu’on devrait offrir à tous les machos.
Dessin et scénario: Liv Strömquist – Editeur: Rackham – Prix: 20 euros.