L’INVENTION DU VIDE

Les débuts de l’alpinisme par trois pionniers à la fin du XIXe siècle. Un récit documenté aux décors majestueux.

Il y a deux ans, Debon racontait le Tour de France de juillet 1910, « l’un des plus fous, des plus cruels ». Cette fois, il remonte encore un peu plus dans le temps, à l’été 1881, pour nous conter un autre exploit sportif historique en bande dessinée: à Chamonix, Alexandre Burgener, Albert Frederick Mummery et Benedikt Venetz s’apprêtent à se lancer dans l’ascension de l’inaccessible aiguille du Grépon…

S’inspirant de l’ouvrage « My climbs in the Alps and Caucasus » de Mummery (1895), Debon met donc en scène l’exploit de ces sportifs mus par la passion de la montagne et la volonté d’atteindre des sommets vertigineux jamais atteints par l’Homme. Si l’équipement des coureurs cyclistes du début du siècle nous laissait songeurs, celui de ces héroïques alpinistes forcent davantage encore l’admiration. Portant chapeau et costume trois-pièces, ils emportent avec eux piolets, lunettes, mitaines en peau de lièvre, compresses de graisse contre les ampoules, guêtres en laine, linges de flanelle, viande fumée… sans oublier évidemment du vin plein les gourdes! Des moyens dérisoires qui renforcent un peu plus encore l’étendue de cet exploit.

Mais ce n’est pas tant le côté technique et très bien documenté de l’ascension qui intéresse ici que la dimension humaine de l’aventure. Debon l’explique dans sa postface: « Mummery est ses équipiers ont inventé sur les dalles du Grépon une nouvelle manière de concevoir l’alpinisme. Il n’y a plus cet ordonnancement un peu rigide entre un « Monsieur », ses porteurs et ses guides, ni de recours à un équipement lourd et artificiel qui dénaturerait la montagne. Seules importent désormais la beauté de la voie, la relation minimale, intime et joyeuse d’un homme aux prises avec l’escalade pure ».

Et pour rendre parfaitement la beauté du moment, rien de tel que les majestueuses planches de Debon en couleurs directes. Les ocres dévoilent des sommets baignés de la lumière du soleil rasant, les bleus nous les montrent dans l’ombre glaciale… Un superbe hommage à la montagne.

Dargaud

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