JIM HENSON’S TALE OF SAND
Adaptation d’un court-métrage avorté signé du créateur des Muppets. L’aventure avec un grand A. Surréaliste et endiablé.
Jim Henson n’aura pas seulement été le marionnettiste des fameux « 1 rue Sésame » et « Le Muppet Show ». Avec son co-équipier Jerry Juhl, il travailla à plusieurs scénarios de films dont le plus abouti, « Tale of Sand » (construit entre 1967 et 1974), a été retrouvé dans les cartons après sa mort. Salué pour son originalité par les producteurs de l’époque, personne n’avait pourtant été prêt à tourner un tel film. D’ailleurs en découvrant la bande dessinée complètement délirante qui a été tirée du tapuscrit, on ne s’étonnera pas de cette frilosité…
Car c’est à un véritable déferlement surréaliste que l’on assiste! Lors d’une fête, un jeune homme se voit confié une étrange mission par le shérif local: rejoindre à tout prix le pic de l’aigle. Pour ce faire, il lui offre une vieille carte et un sac à dos rempli de tout un tas de bricoles (panneau de stop, disque, clé…) et… dix minutes d’avance. Dix minutes sur qui, sur quoi? Lui non plus n’en sait rien mais c’est là que débute en tout cas une course-poursuite infernale. « Tale of Sand » c’est l’Aventure avec un grand A: un lion surgi d’une improbable limousine, un porteur de glaçon zélé, un saloon, des guerriers arabes, des joueurs de foot américain, des soldats armés jusqu’aux dents, un camion de nitroglycérine… bien qu’absurdes, les rencontres s’enchaînent parfaitement, la narration est maîtrisée. Au final, pas un instant de répit pour le pauvre gars qui risque sa vie à chaque case.
En tant que lecteur, nous sommes comme lui, à bout de souffle, parce que retenant notre respiration de bout en bout. Heureusement pour notre santé, les dialogues étant quasiment absents de l’album, les 160 pages de « Tale of Sand » se lisent très vite… Choisi pour mettre en scène ce récit, le dessinateur Ramon K. Perez est tout à fait dans le ton: dessin expressif et très varié techniquement, cadrages dynamiques et osés, couleurs tendance psychédélique, c’est un véritable feu d’artifice!
Les Américains ne s’y sont pas trompés: quelques semaines après sa sortie, « Tale of Sand » a raflé trois Eisner Awards (meilleur roman graphique, meilleur dessin/couleur, meilleure conception/édition), deux Harvey Award (meilleur album original et meilleur one-shot) et un Joe Shuster Award (auteur de bande dessinée exceptionnel). Une jolie revanche pour Henson à titre posthume.