Olivier TaDuc: « Combiner le western et les films d’arts martiaux »
La dernière aventure de « Chinaman » vient de sortir dans la prestigieuse collection Aire Libre. « Le réveil du tigre », un western crépusculaire qui peut se lire comme un one shot, donne immanquablement envie de (re)lire les neuf précédents tomes de « Chinaman ». Son dessinateur Olivier TaDuc revient sur la création de ce héros hors normes.
C’est vous qui avez eu l’idée de « Chinaman » et qui l’avez proposé au scénariste Serge Le Tendre au début des années 2000. Quelle était votre idée de départ avec cette série?
Olivier TaDuc. La série « Chinaman » est née de mon envie de dessiner une série western car j’adore le genre depuis tout petit. Mais le problème est qu’il est difficile de tirer son épingle du jeu au milieu de séries prestigieuses telles que « Blueberry », « Comanche » ou « Jonathan Cartland »… et j’avais très envie d’apporter ma pierre à l’édifice mais avec un point de vue original.
Je suis également un grand fan de films d’arts martiaux et l’idée de combiner les deux m’est tout de suite apparue comme une piste magnifique. La visite du musée, situé à San Francisco, qui retrace la vie et le parcours des immigrants chinois aux Etats-Unis au 19eme siècle a été déterminante. J’y ai trouvé là toute la documentation nécessaire. Il faut se replacer dans le contexte du début des années 90 où internet n’existait pas. C’est ainsi qu’est né Chen Long alias John Chinaman.
Il y a vingt ans, on ne parlait presque jamais des émigrés africains ou asiatiques qui ont participé à la construction des Etats-Unis. Vous vouliez réparer cet oubli?
O.T. Oui, je voulais mettre à l’honneur tous ces oubliés de l’Histoire qu’étaient ces émigrants asiatiques venus chercher fortune au moment de la ruée vers l’or et de la construction du chemin de fer. Ils ont d’ailleurs été écartés de tous les clichés officiels témoignant de la réalisation des lignes panaméricaines. Je voulais aussi pouvoir agrémenter cette histoire de scènes d’action d’où le fait que le personnage principal est un redoutable combattant, appartenant aux triades de Canton et qui débarque à San Francisco en compagnie de son maître Wu Fei.
Est-ce que vous vous documentez beaucoup?
O.T. Oui, c’est assez essentiel. Mais cela se présente sous tout un tas de formes bien différentes: livres, films et bien évidemment le musée de San Francisco.
Vous êtes vous-même d’origine asiatique. Avez-vous mis un peu de vous dans ce personnage de Chen Long?
O.T. Oui, je suis né en France de parents d’origine vietnamienne. Je crois que chaque auteur met de lui-même dans ses créations. J’ai également pratiqué les arts martiaux dans ma jeunesse.
Après neuf tomes parus aux Humanoïdes Associés puis chez Dupuis, vous intégrez la prestigieuse collection Aire Libre avec un one shot de 136 pages. Comment est-ce arrivé?
O.T. C’est José-Louis Bocquet, notre éditeur chez Dupuis, qui souhaitait que notre projet, que l’on avait initialement prévu en plusieurs tomes, intègre cette belle collection, mais sous la forme d’un gros one shot. C’est vrai qu’au final, cet album a fière allure et pèse son poids !
Cet album est vraiment magnifique graphiquement, avec notamment de superbes cases à contre-jour. Est-ce que vous avez abordez cet album un peu différemment des autres, afin de le rendre peut-être un peu plus sombre et intense?
O.T. Je sortais de ma participation à la série « XIII Mystery » pour laquelle j’ai dessiné le tome 11 « Jonathan Fly » sur un scénario de Luc Brunschwig. Pour cet album, j’avais eu le désir de modifier légèrement mon style de dessin pour coller un peu plus à celui de William Vance. J’ai pris goût à densifier les ambiances en rajoutant des masses noires et j’ai voulu prolonger cette démarche dans « Le Réveil du tigre » afin de coller au plus juste au ton crépusculaire voire sombre de cette histoire.
Grâce à quelques flashbacks, « Le réveil du tigre » peut se lire indépendamment des précédents tomes de « Chinaman ». C’était important pour vous?
O.T. Il le fallait absolument car les lecteurs n’ont pas forcément envie de se plonger dans une histoire s’ils ont la nécessité impérieuse de lire neuf tomes juste avant.
Cet album peut être un moyen de faire découvrir la série à un nouveau public?
O.T. Nous l’espérons, bien évidemment. Si les lecteurs sont sensibles au personnage de Chinaman après l’avoir découvert dans cet album du « Réveil du tigre », ils auront peut-être à cœur de découvrir sa jeunesse à posteriori. Et ça tombe bien car Dupuis vient de rééditer les neuf tomes de la série en trois belles intégrales.
Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)
« Le réveil du tigre » par Olivier TaDuc et Serge Le Tendre. Dupuis, collection Aire Libre. 28,95 euros.