SHANGRI-LA

Dans une station orbitale où vit l’humanité depuis que la Terre est devenue invivable, Mathieu Bablet développe une histoire explosive de dictature consumériste, de manipulations génétiques et de rébellion. Eblouissant.

Shangri-La, c’est d’abord un lieu clos imaginaire décrit par James Hilton dans son roman « Les horizons perdus » (1933), un havre de paix et de tranquillité entouré de paysages merveilleux. Le Shangri-La de Mathieu Bablet est une région inhospitalière de la planète Titan qui devrait bientôt accueillir le grand programme de Tianzhu Enterprises: créer à partir de rien une nouvelle espèce d’êtres humains particulièrement résistants. Cette multinationale régit la vie de l’humanité recluse dans une station spatiale depuis que la Terre est devenue invivable. Scott, quant à lui, est chargé d’enquêter sur de mystérieuses explosions survenues dans des stations-laboratoires.

Bel objet – un grand album de 224 pages à la couverture épaisse et au dos tissé – « Shangri-La » est aussi une saga de science-fiction éblouissante. Il faut dire que Mathieu Bablet est l’auteur du fascinant diptyque « Adrastée », incroyable voyage du roi immortel d’Hyperborée qui voulait comprendre pourquoi il n’a pas le droit de mourir, justement réédité en intégrale en septembre dernier. Ici l’environnement est totalement différent mais pas moins magnifique. Le trait est minutieux, la station décrite sous tous les angles à grands renforts de détails architecturaux, tels ces logements à l’espace ultra optimisé des habitants, ces couloirs sans fin ou ces ascenseurs vertigineux. Dans cette froide station métallique qui ne voit jamais la lumière naturelle, l’auteur use d’une bichromie variant en fonction des séquences. Tous ces espaces confinés tranchent avec les illustrations pleine page dans l’espace qui en mettent plein les yeux.

Certes, les thèmes développés sont ceux de la SF classique: consumérisme à outrance, absence de libertés individuelles, manipulation génétique, animoïdes (créatures mi-humaines, mi-animales douées de raison et de parole) et désir de rébellion de certains. On pense au « Meilleur des mondes », à « 1984 », à « Soleil vert », etc… Le discours écologiste est là tout comme la violente diatribe contre cette humanité qui ne tire jamais les leçons de ses erreurs et ne cesse de se prendre pour Dieu, tout comme aussi ce terrible constat que l’Homme a besoin d’être contrôlé, dirigé en permanence. Alors oui, l’univers de « Shangri-La » n’est pas particulièrement révolutionnaire, les différentes thématiques ne sont pas forcément amenées avec une grande finesse, mais il est si bien construit, si cohérent et les personnages principaux sont si attachants qu’on se retrouve happé de la première à la dernière page. L’Association des critiques et journalistes de bande dessinée (ACBD) ne s’y est pas trompée puisque l’album figure parmi les cinq finalistes pour le Grand Prix de la critique 2017 qui sera annoncé le 28 novembre 2016.

Dessin et scénario: Mathieu Bablet – Editeur: Ankama/Label 619 – Prix: 19,90 euros.

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