Tristan Roulot: « Un western urbain »

Dix ans après le premier tome, Tristan Roulot et Corentin Martinage concluent leur formidable chasse à l’homme déjantée dans une intégrale de 120 pages. De la bande dessinée grand spectacle dans la lignée des films de Quentin Tarantino ou Guy Ritchie.

Comment est né ce Paris assez déjanté où des triades font régner la terreur à coups de sabre ?
Tristan Roulot.
Difficile en général de savoir d’où vient une idée, mais pour « PsykoParis », je m’en souviens très bien. A l’époque, j’habitais porte de Champerret à Paris, et je faisais de l’escrime un peu plus loin. Je rentrais en bus, et l’idée d’un Paris où les gens porteraient toujours leur épée sur eux, et pas juste pour faire du sport, mais comme un moyen de survie m’a traversé l’esprit. Le contraste d’un quotidien banal comme aller au boulot en costard ou chercher son pain, mais avec la tension de devoir se battre pour un rien. Un retour à l’âge des duels, mais dans un monde contemporain : un western urbain.

Contrairement aux armes à feu, les combats au sabre offrent des scènes vraiment violentes avec des têtes coupées et beaucoup de sang qui giclent. C’était un peu le but de ce choix ?
T.R.
L’arme blanche, c’est tout de suite plus épique. On a beau être le meilleur escrimeur du monde, on peut toujours se casser une cheville. Dramatiquement, c’est plus intéressant. Et à chorégraphier, ça n’à rien voir. Donc on a décidé de supprimer purement et simplement les armes à feu.

On imagine que vous avez été influencé par « Kill Bill » de Quentin Tarantino ?
T.R.
J’aime la radicalité de Tarantino, qui mêle toujours à son ultra-violence une pointe d’humour noir pour faire passer la pilule. Cela dit, on trouvera plus une parenté avec les premiers films de Guy Ritchie. Je dirais « Arnaques, crimes et botanique », mais surtout « Snatch », avec sa galerie de personnages complètement dingues. Et puis l’anime, « Samurai champloo » notamment.

Corentin Martinage avait les mêmes références en dessinant « Psykoparis »?
T.R.
Complètement, on voulait la même chose : du fun, des personnages bien typés et ultra charismatiques, beaucoup de crétins aussi, et un style anime pour dérouler tout ça. Son trait ultra expressif, souple et dynamique a rendu le récit vivant et palpitant.

Il s’est passé dix ans entre la sortie du premier tome et cette intégrale qui offre un récit complet avec 60 pages supplémentaires. Est-ce que cette période a fait évoluer votre histoire ?
T.R.
C’est la même, mais ça nous a permis de prendre la hauteur nécessaire. On s’est recentré sur le cœur du récit, pour raconter une histoire au cordeau qui se conclue en feu d’artifice. On a laissé quelques petites portes ouvertes dans lesquelles pourra s’engouffrer l’imagination du lecteur s’il le souhaite. Ou même pour nous, si on a envie d’y revenir un jour. En dix ans, je ne suis plus tout à fait le même scénariste. Heureusement d’ailleurs !. Je suis devenu bien plus efficace dans ma narration, plus percutant dans les dialogues aussi. On évolue, on progresse, mais il fallait aussi rester homogène avec le premier tome. Je pense qu’on a produit quelques scènes dans ce bouquin qui risque de graver longtemps la rétine du lecteur.

Dans la deuxième partie, votre histoire s’enrichit d’une intrigue politique, qui m’a un peu fait penser à « Game of Thrones ». Vous aviez la volonté de complexifier un peu le récit ?
T.R.
C’était une des directions que pouvait prendre le livre. Le soulèvement des provinces agricoles, la revanche des déshérités terrés dans les catacombes, les gangs de la surface, tout ça est un parfait terreau pour une guerre des clans. Mais pour « PsykoParis », on a préféré que ça enrichisse le récit, comme une belle toile de fond, plutôt que ça devienne le thème majeur du récit, qui devait rester cette chasse à l’homme à l’échelle de toute une ville. C’est un genre dans lequel j’aimerais bien me frotter un jour cela dit (sourire).

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

« Psykoparis – Intégrale » par Tristan Roulot et Corentin Martinage . Soleil. 22,95 euros.

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