Philippe Pelaez : « La complexité de James Barrie »

Dans « Oliver & Peter », le scénariste Philippe Pelaez mêle l’histoire de Peter Pan avec celle de son auteur James Barrie. On y croise également Oliver Twist, H.G. Wells ou encore Jack l’Éventreur dans une aventure très originale.

oliver_peter1.jpgParmi les nombreuses œuvres qui se sont déjà inspirées de « Peter Pan », lesquelles vous ont le plus marqué ?
Philippe Pelaez. On ne peut être scénariste d’une BD dont l’un des héros est Peter Pan sans bien sûr évoquer Régis Loisel, qui nous a fait l’immense honneur d’une préface pour le tome 3, après avoir lu et aimé les deux premiers tomes d' »Oliver & Peter ». J’ai également beaucoup d’affection pour les adaptations cinématographiques de Steven Spielberg, ainsi que pour le « Neverland » de Marc Forster, avec Johnny Depp et Kate Winslet.



Pourquoi existe-t-il autant d’interprétations ? Qu’est-ce qui vous a séduit dans « Peter Pan »?
Ph.P. Ne vous y trompez pas : je n’ai jamais aimé « Peter Pan », peut-être parce qu’il était en partie galvaudé par Walt Disney. Ce qui m’intéresse surtout, c’est la complexité de l’auteur, James Barrie, marqué au fer rouge par la mort de son frère David, la veille de ses 14 ans. Un auteur moins accablé par la perte de son aîné que par le chagrin de sa mère, allant jusqu’à imiter son frère et porter ses habits pour adoucir la peine de celle qui allait quand même le rejeter. « Peter Pan » est le reflet des tourments de son auteur. Il représente aussi la nostalgie des adultes pour le Pays imaginaire, ce lieu qui a été et ne sera plus : notre enfance.



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Graphiquement, est-ce une pression particulière de succéder au « Peter Pan » de Régis Loisel ?
Ph.P. Non, pas forcément, car il ne s’agit pas de la même histoire. Dans notre récit, Peter Pan est incapable de voler et donc de retourner au Pays imaginaire. Prisonnier de Londres, il essaie à tout prix de trouver une solution, avec l’aide du jeune orphelin Oliver Twist. Et il sait que s’il échoue, il va lui arriver ce qu’il redoute le plus : devenir un adulte.



Qu’est-ce qui vous a séduit dans le dessin de Cinzia Di Felice ?
Ph.P. Dans cette histoire dans laquelle la mère est « omni absente », Cinzia a réussi un tour de maître en donnant aux personnages des visages d’une profondeur extraordinaire, et des décors précis et réaliste. Son dessin doux et rond vient adoucir la violence du propos.



Pourquoi avoir réuni Peter Pan et Oliver Twist ? En quoi sont-ils complémentaires ?
Ph.P. Oliver Twist est le frère qui manqua tant à Barrie; mais contrairement à Peter, il n’est pas partagé entre le bien et le mal, car il est le bien incarné. C’est un garçon à la fois humain et perspicace, tempérant les ardeurs de Peter Pan dont il devine très vite l’immense vanité. Mais c’est aussi un personnage marqué par la mort d’une mère qu’il n’a jamais connue, et assez naïf pour croire que grâce à son ami, il la retrouvera. Comme pour Barrie, Oliver Twist est aussi le reflet des blessures de son auteur, Charles Dickens.

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Dans « Oliver & Peter », on croise également H.G. Wells et sa machine à remonter le temps ou encore Jack l’Éventreur. Cette Angleterre du XIXe siècle vous fascine ?
Ph.P. Oui, et pas que l’Angleterre. Le XIXe a été une période de bouillonnement scientifique et littéraire, marqué par la révolution industrielle, mais aussi par l’éclosion d’immenses talents en littérature. J’ai d’ailleurs un autre projet chez Ankama qui y reviendra. Je suis fasciné par l’histoire en général. Cela vient de ma formation universitaire, puisque je suis enseignant en anglais.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« Oliver & Peter, tome 1. La Mère de tous les maux » de Cinzia et Philippe Pelaez. Sandawe. 13,90 euros.

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