Nicolas Moog: « Les Appalaches version frenchie »

« La vengeance de Croc-en-jambe » est à la fois un récit noir et irrésistiblement drôle. Matthias Lehmann et Nicolas Moog y racontent une rocambolesque histoire de règlement de compte entre gangs dans le bassin minier de la Fensch en Moselle.

Quel a été le point de départ de cette histoire de guerre des gangs ?
Nicolas Moog. Après avoir travaillé sur des histoires courtes pendant 5 ans dans les pages de Fluide Glacial, nous est venue l’envie de nous remettre en question et d’entamer un récit long. Nous sommes tous deux grands amateurs de littérature noire, de Southern Gothic américain (Erskine Caldwell, Harry Crews). Rapidement, on s’est dit qu’on pourrait partir sur une histoire noire (mais néanmoins drôle) qui mettrait en scène cette vallée ravagée par le chômage et l’alcool, oubliée des politiques qui y ont multiplié les promesses non tenues. C’est un peu les Appalaches version frenchie.

Vous vous êtes inspiré d’un fait divers ?
N. M. Nous ne nous sommes pas basés sur un fait divers précis, mais dans cette zone frontalière les trafics sont nombreux. La dope passe par là et on ne compte plus les règlements de comptes au couteau dans le coin.

Pourquoi situez-vous cette histoire dans la vallée de la Fensch. Est-ce que vous entretenez une relation particulière avec cette région ?
N. M. Je vis à Metz et ai grandi dans la campagne mosellane, mais pas dans la vallée. Je n’ai connu ces lieux que plus tard. J’y ai beaucoup joué avec mes groupes, travaillé (comme peintre en bâtiment), et y ai sillonné les bistrots du coin sans relâche. La vallée de la Fensch: un endroit étonnant, qui baigne dans son jus, fait d’usines sidérurgiques en fin de vie, de sous-bois malades, de maisons de mineurs à l’ancienne. C’est une sorte de terroir très particulier, un peu glauque, qui a toute ma sympathie.

Vous égratignez un peu les politiques et beaucoup les journalistes. Ce n’est forcément pas innocent ?
N. M. Rien n’est innocent là-dedans. Les politiques ont depuis longtemps montré toute l’étendue de leur ignominie; les médias mainstream ne font que relayer la bonne parole gouvernementale. Ce n’est pas un scoop, mais une triste réalité. Personnellement je ne serai satisfait que lorsque l’on aura pendu le dernier patron avec les tripes du dernier banquier.

Avec Matthias Lehmann, vous êtes crédités tous les deux au scénario et au dessin. Comment avez-vous travaillé ensemble ?
N. M. Pour la première étape, celle de l’écriture, on se voit en chair et en os et on écrit ensemble l’intégralité du scénario, jusqu’à l’étape d’une sorte de découpage primitif. C’est après que l’on rentre dans nos ateliers respectifs et qu’on se partage les pages. Chacun entame alors une planche de son côté, crayonné et encrage, et laisse l’autre la finir. Ça crée un style hybride. Comme nous ne vivons pas dans la même ville, on s’envoie les pages entamées par la poste.

Il devient difficile de différencier vos traits…
N. M. Vu que le dessin devient hybride, on ne sait plus trop bien qui fait quoi. Matthias a un dessin qui fourmille de petits traits, de détails et de hachures, alors que je vais plus volontiers synthétiser un personnage ou un décor au plus simple.

Le fil conducteur de votre histoire est votre mise en scène avec Matthias comme musiciens itinérants…
N. M. C’est tout à fait authentique ! Matthias et moi sommes musiciens, et œuvrons ensemble au sein du groupe Raw Death depuis une petite dizaine d’années. On a pas mal de concerts au compteur, et on a déjà beaucoup raconté déjà nos déboires de tournées dans les pages de Fluide, avant de nous atteler à « Croc-en-jambe ».

Un petit extrait de musique entraînante ici :

Ce duo atypique possède certainement le potentiel pour vivre d’autres aventures tout aussi rocambolesques. C’est aussi votre envie ?
N. M. Nous allons gaiement continuer l’aventure tous les deux. C’est dans les tuyaux…

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

(sur Twitter)

« La vengeance de Croc-en-jambe » par Nicolas Moog et Matthias Lehmann . Fluide Glacial. 16,90 euros.

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