Nathalie Sergeef : «Le ton ironique n’épargne personne»

«A prix d’or» s’apparente à un blockbuster du 9e art. D’abord grâce aux planches cinématographiques et très dynamiques de Bernard Khattou. Ensuite par le scénario explosif de Nathalie Sergeef, qui mêle habilement un scandale écologique, des malversations financières et une histoire d’héritage familial. Enfin par les révélations savamment distillées tout au long de ces deux tomes remplis de personnages déjantés.

Après « Down under » et « Burke & Wills », vous explorez à nouveau l’Australie avec ce nouveau diptyque…
Nathalie Sergeef.
Je me suis attachée à l’Australie en me documentant pour « Down Under » et « Burke & Wills ». Sans n’y être jamais allée, le pays m’est devenu un peu familier. Ses particularités, ses paysages, sa rudesse, son passé et son présent sont de sacrées sources d’inspiration ! A côté de la documentation historique, je lisais pas mal d’articles, de romans, je regardais des séries ou films australiens aux intrigues, atmosphères et rythmes singuliers. C’est comme ça que j’ai entendu parler du scandale d’un projet de mine de charbon très controversé et un moment bloqué par l’existence sur le site d’un lézard menacé d’extinction ! S’est ajouté à cela un reportage écrit au sujet des femmes conductrices de tombereaux dans les mines à ciel ouvert.
Le tout a fini par faire germer l’idée d’« À Prix d’Or » et donner naissance à ses deux personnages principaux : Ellie Faye et Birdy. C’est donc le lieu, ses spécificités, ses habitants, son histoire et son actualité qui ont inspiré le récit.

Ce scénario qui fonce à 100 à l’heure, associé au trait réaliste de Bernard Khattou, donne un aspect très cinématographique à cette série. C’était votre idée de départ?
N. S. La toute première chose qui s’est imposée, c’est le ton ironique qui n’épargne personne surtout pas les crapules et les cupides de l’histoire. Quant au côté cinématographique, il s’est invité lui-même de par le rythme du récit, sa galerie de personnages, l’action, la superposition d’histoires secondaires qui finissent par converger et soutenir l’intrigue, le montage,… Bernard en a fait une super production dynamique, jonglant avec la mise en scène, les cadrages, les décors, les cascades, le jeu d’acteur,… passant des courses-poursuites, des scènes d’action aux moments plus intimistes. Les couleurs de Céline Labriet contribuent à cette dimension ciné, offrant de belles ambiances.

Vous aviez des références cinématographiques particulières? 
N. S. Il y a par exemple les films et la série « Mystery Road », les films « Goldstone », « Son of a gun », « Charlie’s country », « Samson et Delilah », « Satellite boy »… Je vous recommande aussi la série toute récente « The tourist », sorte de « Fargo » australien.

Bernard Khattou excelle dans les scènes d’action, très nombreuses dans ce diptyque. C’est ce qui vous plaisait chez lui?
N. S. Absolument. Sa réalisation est totalement dans le ton et colle au tempo. C’est une question de graphisme et de dynamisme mais aussi de personnalité. La longue séquence explosive du tome 2 était par exemple un sacré challenge.


« A prix d’or » se démarque des autres bandes dessinées d’action grâce à sa situation géographique mais aussi par son duo d’héroïnes. On prend beaucoup de plaisir à les voir ridiculiser une bande de péquenots machos. C’était encore plus important d’amener cette dimension féministe dans une bd de pure action? 
N. S. Ellie Faye et Birdy sont les piliers de ce récit d’action. Elles vivent dans un milieu rude. Elles agissent par elles-mêmes et pour elles-mêmes. Elles cherchent avant tout à se faire une place dans cette nature rugueuse et ce microcosme très masculin, chacune à sa manière, chacune pour ses propres raisons. Leurs quêtes personnelles et leur quête commune mettent ironiquement à nu les brutes et les truands de l’histoire.


Autour de l’intrigue principale se nouent plusieurs histoires secondaires. C’est ce qui vous permet de parler aussi d’écologie ou de la culture aborigène?
N. S. Encore une fois c’est l’endroit qui impose les thèmes qui lui sont propres. Il y est question de protection d’environnement, d’avidité, d’appropriation de terres, de corruption, de colonisation… mais aussi de filiation. Les personnages de ce récit représentent à leur façon de nombreuses facettes positives et négatives de l’histoire et l’actualité du lieu. Ils ne se connaissent pas et finiront réunis dans une « arène » à laquelle chacun est en fait relié par son histoire familiale s’étalant pour certains sur plusieurs générations.


Avez-vous déjà une idée du réalisateur et des deux actrices pour l’adaptation cinématographique? Cela vous plairait?
N. S.
On signe où?

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne
(sur Twitter)

«A prix d’or – Tomes 1 et tome 2» par Nathalie Sergeef et Bernard Khattou. Glénat. 14,95 euros l’unité.

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