Laurent-Frédéric Bollée: « C’est de la science-fiction avant tout »

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Malgré une couverture dévoilant de rutilants bolides et la préface d’un pilote de Formule 1, « Speedway » n’est pas une série sur des courses automobiles du futur. Son scénariste Laurent-Frédéric Bollée l’a d’abord conçu comme une histoire de science-fiction comme le prouve la seconde intrigue basée sur la découverte d’une planète bien mystérieuse.

Pourquoi avoir introduit une seconde intrigue qui explore un tout autre univers que la course automobile ?
Laurent-Frédéric Bollée. Parce que je ne voulais pas d’une histoire uniquement basée sur le sport auto ! D’ailleurs, selon moi, « Speedway » n’est pas un récit de course automobile du futur, mais bien un récit de science-fiction se déroulant dans le milieu des sports mécaniques… Nuance !

speedway1.jpgEst-ce aussi un moyen de se démarquer d’une série comme « Michel Vaillant »?
L.-F. B. Ah ! Parlons de « Michel Vaillant » en effet… C’est évidemment une BD à la notoriété très forte, que j’ai moi-même dévorée étant jeune. Elle continue actuellement sous les rênes de Philippe Graton, que je connais, et depuis quelques années il a vraiment réussi à donner un nouveau souffle aux histoires avec des thèmes très contemporains. Je pense notamment au très bon « Opération Mirage », qui aborde le thème des photos volées des nouveaux modèles des grands constructeurs. Tout ça pour dire que je souhaitais de toute façon me démarquer de la course automobile pure et dure et qu’étant naturellement amateur de science-fiction, j’ai réussi à mêler les deux ! Ce n’était pas une question de faire « mieux », mais bien de faire « différent ».

Les amateurs de courses automobiles ne risquent-ils pas d’être un peu frustrés dans ce premier tome, qui explore davantage les coulisses que la course en elle-même ?
L.-F. B. Speedway est une histoire de science-fiction. Donc voilà pourquoi le récit est davantage tourné vers une exploration spatiale que vers une course automobile. Et puis, franchement, parfois, les avants-courses sont plus intéressants que les courses en elles-mêmes. Regardez cette intersaison que nous vivons en F1 : Schumacher de retour, Alonso chez Ferrari, Button chez McLaren ! C’est très excitant ! Mais si ça se trouve, le premier GP va être ennuyeux à mourir…

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Est-ce compliqué d’écrire le premier album d’une série futuriste où vous devez présenter un nouvel univers, poser les bases d’une intrigue tout en intégrant déjà quelques rebondissements ?
L.-F. B. Non, c’est le métier ! Et malgré le fait que deux récits se superposent dans ce T1, je crois que l’histoire est assez linéaire et qu’elle « coule » assez bien toute seule… C’est même sans doute mon récit le plus simple depuis que je fais de la BD !

Comment avez-vous imaginé cette course géante de Formule A ? Est-ce que vous avez essayé d’être crédible ou au contraire de vous faire plaisir en inventant la course qui vous faisait rêver ?
L.-F. B. J’ai voulu être crédible, en effet. Première idée : on a de nos jours des GP organisés par différents pays – eh bien on aura des circuits sur des planètes différentes ! À partir de là, j’ai essayé de continuer dans la foulée : les GP durent deux heures maximum ? Là ils pourront durer 40 jours ! On mélangera donc l’esprit F1 et l’esprit rallye-raid, avec une sorte de super Dakar ! On dit Formule 1 ? On dira Formule A ! On parle de championnat du Monde ? On dira Championnat universel ! On parle de saison ? On dira olympiade ! Et ainsi de suite, notamment dans les performances des voitures et leurs télémétries. Il y a un petit côté « délire » sans doute, mais peut-être pas tant que ça…

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Et concernant le design des voitures ? Aviez-vous des idées que vous avez transmises à Siro ? Est-ce que vous avez utilisé des visuels de prototypes ?
L.-F. B. À partir du moment où vous réussissez à intéresser un dessinateur de renom à votre histoire et que vous voyez son œil pétiller à l’idée de dessiner des bolides surpuissants du futur, le moins que l’on puisse faire est… de ne pas intervenir ! Comme on peut honnêtement tout imaginer pour une compétition se déroulant en 2659, j’ai laissé Siro se lâcher tout seul à ce niveau-là !

Vous évoquez un dopage accepté par la société. C’est aussi le futur ou une critique de la situation actuelle ?
L.-F. B. Là encore, je me suis projeté dans le futur : un être normalement constitué peut-il disputer une course de 40 jours avec des voitures dont la vitesse de pointe peut dépasser les 600 km/h ? Sans doute pas. Donc le monde du sport, du spectacle (parfois cela va ensemble), du marketing et de la communication (souvent cela va ensemble) a évolué au point que la « préparation » des pilotes est acceptée. Et ils n’ont évidemment pas le choix. C’est un postulat scénaristique qui m’a semblé logique. Les champions seront des supers champions et tout le monde en est content. Dans mon histoire, c’est comme ça ! Maintenant, il n’y a pas spécialement de référence à la notion de dopage actuelle, car je crois que personne ne connaît vraiment l’étendue du dopage dans le sport et que de toute façon le sport automobile n’a pas besoin du dopage. Je parle là des pilotes, car comme l’avait dit un jour l’ancien président de la Fédération internationale de l’automobile Max Mosley : « le dopage existe en sport auto, c’est l’électronique dans les voitures ». Sous-entendu, si on veut tricher, mieux vaut charger en effet le véhicule que le conducteur…

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Votre héros fait peu de concessions au marketing ou à la communication. Vous trouvez les pilotes actuels trop « lisses « ?
L.-F. B. Sans aucun doute. Chacun sa personnalité bien sûr, mais leurs discours sont souvent trop formatés. Car il y a toujours moyen d’aller au-delà de la simple évocation d’un chrono ou d’un fait survenu pendant une course. Prenons Kimi Raikkonen, champion du monde de F1 en 2007. Voilà un pilote qui fait la bringue, qui est bon vivant, qui est un peu « rebelle » et anticonformiste dans sa nature mais qui, dès qu’un micro est posé devant lui, marmonne « j’espère que j’aurai de bons résultats »! C’est vraiment dommage. Et il n’est pas le seul. On ne peut que regretter des personnalités comme Jackie Stewart, Mario Andretti, Ayrton Senna et Alain Prost qui sont les quatre plus grands orateurs et intelligences que le sport auto ait jamais connus.

Propos recueillis par Emmanuel Lafrogne

« Speedway » par Spiro et Laurent-Frédéric Bollée, Dargaud. 13,50 euros.

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